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PARCOURSUP : Les bugs

Rejetées en liste d’attente après avoir été acceptées, les milliers de victimes du bug de Parcoursup attendent des explications. Pour l’instant, elles ont surtout eu droit à une litanie de mensonges de la part de la ministre de l’Enseignement supérieur.

Il y a ceux qui, heureux de se voir acceptés dès le 15 mars dans la formation de leur choix, ont organisé le soir même une petite fiesta, avec parents ou amis. Pour eux, la gueule de bois a été carabinée le lendemain, quand ils se sont vus reversés en liste d’attente. Il y a ceux qui, dans le même cas – et dans le souci altruiste de libérer la place pour d’autres –, ont aussitôt refusé des formations qui les acceptaient, parce qu’ils étaient pris ailleurs… et du jour au lendemain ne sont plus pris nulle part. Ceux qui, bien placés en liste d’attente, ont vu leur rang dégringoler au point de perdre espoir : « Je suis passé de 1er à 1714e », témoignait ainsi David, lundi dans 20 Minutes. Le désormais fameux bug de Parcoursup a laissé des traces, c’est le moins que l’on puisse dire. Or, une semaine après les faits, on ne sait toujours pas exactement ce qui s’est passé ni pourquoi des milliers de candidats, alors qu’ils sont en pleine préparation des épreuves du bac, ont dû subir de telles montagnes russes émotionnelles – et cela sans la moindre excuse des autorités.

Le mélange de légèreté et de brutalité avec laquelle la ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, a traité cet événement en a choqué plus d’un. « Ces jeunes le vivent comme “j’ai eu quelque chose et on me l’a enlevé”, en fait, la réalité, c’est qu’ils n’auraient jamais dû l’avoir », assenait-elle samedi à l’AFP. Le même jour, elle avouait s’être « beaucoup amusée » en découvrant des estimations chiffrées de l’ampleur du bug, alors qu’elle-même jugeait « impossible » de les connaître. De fait, 400 formations (sur 14 500) seraient touchées, quasi exclusivement des formations sélectives : BTS, prépas, écoles d’infirmiers, et aussi quelques licences de droit. Le quotidien les Échos semblait donner une plus juste proportion du problème en affirmant que 67 000 candidats étaient concernés, soit 7% de l’ensemble : à ce niveau, ce n’est plus un bug, c’est un crash !

Répondant au sénateur Pierre Ouzoulias (PCF), la ministre a rejeté la faute sur une « erreur humaine » des responsables des formations, qui auraient rempli la case « liste d’appel » avec le chiffre – forcément plus élevé – de la « liste d’attente ». D’après nos informations, la ministre a menti. Selon le témoignage d’un responsable de formation, une telle bévue est impossible, tout simplement parce que, lorsque cette manipulation est faite, « le système indique “erreur de saisie” » et refuse de prendre en compte le chiffre.

Et ce n’est pas tout. Toujours devant le Sénat, Frédérique Vidal a fini par reconnaître que les formations en cause avaient pratiqué la « surréservation » (ou « surbooking ») en acceptant un nombre de candidats bien supérieur à leur capacité d’accueil. « C’est inévitable afin de prévoir les désistements, les échecs au bac… » explique Claire Guéville, secrétaire nationale du Snes-FSU (Syndicat national de l’enseignement secondaire). Mais le ministère, contrairement à ce qu’il semble laisser entendre, est parfaitement au courant de ce procédé. Il l’encourage même vivement. Ce que confirment des échanges de mails auxquels nous avons eu accès : les équipes chargées de gérer Parcoursup y écrivent noir sur blanc à des responsables de formation : « Vous avez désormais la main pour saisir les taux de surréservation jusqu’à 50%. » En clair : si vous avez 50 places, vous pouvez accepter 75 candidats. Et même au-delà, sous réserve d’avoir demandé l’autorisation.

Des universitaires ont reconnu que, par crainte de ne pas « remplir » leur formation, ils avaient appelé 750 candidats pour… 65 places. Des pratiques dont les gestionnaires du système avaient conscience. D’autant qu’ils ont eu plusieurs jours, entre le 10 mai (date limite des saisies par les établissements) et le 15 mai (publication officielle des résultats aux candidats), pour contrôler les données. Or, aucune alerte n’a été faite durant cette période. Il a fallu attendre le 16 mai pour que, brutalement, le système soit remis à zéro.

Pourquoi une telle décision ? Faute d’informations officielles dignes de confiance, on en est réduit aux suppositions. « Ont-ils eu peur que des formations se retrouvent réellement en surnombre ? » se demande Claire Guéville. Qui ajoute : « De toute façon, si une interface génère autant d’erreurs, c’est que ça ne vient pas des utilisateurs… » On peine à imaginer, en effet, que 400 universitaires soient assez idiots pour faire tous la même erreur… Pour Pierre Ouzoulias, « le problème de Parcoursup est avant tout social ». Claire Guéville abonde : « Ce sont surtout les candidats “tangents” qui ont été évincés après le bug, ceux qui viennent des lycées défavorisés. Le gouvernement a voulu mettre en place un système concurrentiel pour l’entrée à l’université et derrière ses choix technologiques il y a, de fait, des choix idéologiques. » Et les gros mensonges qui vont avec.

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