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Projet de loi renseignement. Nos journées très surveillées...

Article paru dans l'Humanité

Attendu par les services secrets depuis des années, le projet de loi renseignement est examiné du 13 avril au 16 avril à l’Assemblée nationale, en procédure accélérée. Après les attentats contre « Charlie Hebdo », il rendrait légaux des moyens de surveillance déjà utilisés tout en offrant de nouveaux outils afin de mieux surveiller Internet, présenté comme le lieu de recrutement et d’organisation des terroristes… Mais c’est promis, le texte « garantit le respect des libertés publiques et l’intimité de la vie privée ». Avant-goût de nos futures journées de surveillés.

7 HEURES. AVANT LE TRAVAIL, VOUS LISEZ DES JOURNAUX, CONSULTEZ DES VIDÉOS, CHUT, ON VOUS PROFILE…

Pour tous les Français, se connecter sur Internet via son ordinateur, son smartphone, sa tablette suffit désormais pour être dans le « filet». L'internet français et tout ce que nous y faisons seront désormais « sous surveillance » pour les « seuls besoins de la prévention du terrorisme ».

Avec le projet de loi, il ne s'agit plus seulement de surveiller des cibles déjà identifiées, mais de procédera a «la nécessaire détection des personnes qui ne l'avaient pas été ».

C'est ce que les associations de défense des libertés appellent la pèche au chalut. « Pour la première fois, on introduit la possibilité de surveillance systématique », explique Benjamin Bayart, porte-parole de French Data Network (Fédération des fournisseurs d'accès a Internet associatifs).

Le projet de loi met en place un système de « boites noires », « un dispositif qui regarde passer l'intégralité des communications du pays et qui sera place au cœur du réseau », continue-t-il.

Le gouvernement insiste, les données seront « anonymes ». Peut-être, mais pour Adrienne Char-met, la coordinatrice de la Quadrature du Net (1), «les données aspirées sont identifiants: l'adresse mail, l'historique de navigation, la relocalisation, on peut ainsi faire le profil politique, sexuel, culturel d'un individu ».

10 HEURES. ETES-VOUS SUR DE NE PAS ETRE SUSPECT?

Au boulot, pendant la pause, vous trainez sur Internet. Les boites noires sont la au cœur du réseau pour identifier des « comportements suspects ».

Il n'y aura pas un agent de renseignement derrière chaque Français, c'est l'algorithme qui fera remonter des profils suspects aux 6 services concernes (2), l'anonymat pourra ensuite être lève. Mais sur quels critères? Secret défense. Qui doit le développer? Pas de réponse. « L'algorithme travaille par corrélation.

Est-ce qu'un citoyen noir, étant ne en Martinique et ayant fait sa scolarité dans le 93, sera profile comme plus dangereux qu'un Blanc de la Creuse? De plus, les robots ne comprenant pas l'ironie, "Je vais te tuer", écrit à quelqu'un pour plaisanter, va-t-il être suspect? » s'interroge Yann Le Pollotec, charge de la révolution numérique au PCF.

Le rapporteur de la loi, le députe PS Jean-Jacques Urvoas, comme Manuel Valls n'ont lâche qu'un exemple: « Le fait de regarder des vidéos de décapitation. »Morbide, mais ça ne fait pas automatiquement un terroriste. Bien sur, le « renseignement ne va pas faire le profilage de 60 millions de Français.

Mais il y a cette illusion que l'algorithme va pouvoir choisir. Or, après coup, une fois l'anonymat levé, on pourra expliquer un faisceau de connexions a priori suspectes. Le nombre potentiel d'erreurs est phénoménal», continue Adrienne Charmet.

12 HEURES. VOUS ENVOYEZ DES MAILS, ILS NE SONT PAS LUS... MAIS UN PEU QUAND MEME

En envoyant des mails, vous pensiez que la loi consacrait «le secret des correspondances électroniques ou par lettre ». Elle le fait, en principe. « Ce qui circule sur le réseau, ce sont des paquets de données en vrac. Le moindre mail est découpe en 20,40 ou 100 paquets. Techniquement, il n'y a pas de différence entre le Web et un mail. C'est un mensonge de dire que le secret de la correspondance privée sera préserve, car la boite noire va au moins regarder suffisamment a l'intérieur des paquets pour en décider », explique Benjamin Bayart.

16 HEURES. A LA PAUSE-CAFE, UN « DISPOSITIF DE PROXIMITE » PEUT TRAINER

Ce n'est pas forcement vous qu'on vise, mais vous pouvez être pris dans la nasse: dans un restaurant, une gare, le moindre lieu public.

L'IMSI-catcher est un dispositif mobile d'interception de données d'un téléphone. Porte dans une valise, place dans une voiture ou dans un sac a dos, ni vu, ni connu! Il est sans doute déjà utilise, le projet prévoit que les services pourront s'en servir pour identifier les numéros de téléphone suspects.

En cas d'urgence, il pourra être utilise pour intercepter le contenu des conversations.« Ce dispositif fonctionne comme une fausse antenne-relais. II fait croire a tous les téléphones a proximité qu'ils doivent s'y connecter », explique Adrienne Charmet. Ainsi, il accède au contenu du téléphone.

En bref, c'est un coup de filet sur un territoire et un temps détermines qui« peut durer plusieurs mois ».« On va ainsi donner toutes les armes aux services de renseignement pour faire de la surveillance massive », dénonce Adrienne Charmet.

18 HEURES. UNE FOIS CHEZ VOUS... VOUS ETES PEUT-ETRE ESPIONNE POUR «PREVENTION DE VIOLENCES COLLECTIVES»

Vous pensiez votre domicile inviolable. Mais pour placer des moyens de surveillance intrusifs comme camera, micros, logiciel mouchard sur votre ordinateur pour récupérer tout ce que vous tapez au clavier, les services de renseignement ont 7 bonnes raisons, définies dans la loi.

En plus du terrorisme, de la préservation des intérêts économiques majeurs de la France, il y a « la prévention des atteintes a la forme républicaine des institutions, des violences collectives de nature a porter atteinte a la sécurité nationale, de la reconstitution ou factions tendant au maintien de groupements dissous ».

Une notion très floue.« Une manif qui tourne mal, des gens au mauvais endroit, et on peut mettre sur écoute un syndicaliste par exemple », dénonce Alexandre Langlois, référent renseignement de la CGT police. Si le ministre de l'Intérieur dit penser « aux identitaires », cela pose « un vrai problème avec tous les mouvements sociaux, notamment de type zadistes comme à Sivens ou Notre-Dame-des-Landes, ou une manifestation pro-palestinienne, comme celle de l'ete dernier. II y a un risque de surveillance très fort», prévient Adrienne Charmet.

En l'état, le projet permettrait de mener a bien une surveillance sur des foyers de contestation sociale.

(1) Voir le site sous-surveillance.fr (2) La direction générale de la sécurité extérieure, celle du renseignement militaire, celle de la protection et de la sécurité de la défense, celle de la sécurité intérieure, celle du renseignement et des enquêtes douanières et enfin du renseignement et de l’action contre les circuits financiers clandestins (Tracfin).

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