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« UBERISATION », NOUVELLE MYTHOLOGIE FRANÇAISE

Voici une partie de l’article de L’ARTICLE de MARC-ARTHUR GAUTHEY

"Avoir un regard critique et intellectuel sur la technologie et l'innovation" 

 

publié dans Les Echos en 2015

 

 

Uber est jeune, Uber est allé vite, Uber n’est pas tout à fait légal, Uber est tout à la fois un OVNI, une chimère, un exemple. Ceux qui ont peur aujourd’hui sont les mêmes qui n’avaient pas vraiment daigné baisser les yeux vers leurs pairs de l’industrie culturelle qui s’était faite naspteriseryoutubiser et finalement netflixiser il y a bien longtemps. Le monde de l’édition puis à peu près toute la distribution s’étaient fait amazoniser dans l’indifférence la plus totale. La presse s’était faite googliser sous les moqueries, l’industrie de la connaissance avait été wikipédiée pour le plus grand bonheur de tous, la SNCF qui se faisaitblaBlaCariser se voyait reprocher de n’être qu’une entreprise publique constituée de privilégiés et de grévistes convulsifs. Quant à l’hôtellerie, disons-le, si elle se faisaitairbnbaiser, c’est qu’elle n’avait que ce qu’elle méritait ! Bref, quand on parle d’uberisation, on fait du neuf avec du vieux. Recette classique :  énoncer le mal pour vendre le remède.

Pendant ce temps, le gros du problème demeure ignoré. Si le législateur – bien aidé par les lobbys professionnels qui cherchent encore des brèches juridiques pour contrer l’offensive – s’est d’abord assez légitimement demandé comment taxer cette nouvelle économie, rares sont ceux qui interrogent ce que l’atomisation de l’activité productive, ou la « freelancisation » de la vie professionnelle, appelez ça comme vous voulez,  va impliquer pour notre conception du travail et le modèle social qui s’appuie dessus.

Malgré ses milliards de valorisation, Uber n’est qu’une légère brise à l’échelle de la tempète qui vient.

Uber ne provoque pas l’éclatement d’un modèle social. Il l’illustre peut-être, catalyse des colères et des frustrations rendues voyantes par le pouvoir de nuisance des taxis. Mais malgré ses milliards de valorisation, Uber n’est qu’une légère brise à l’échelle de la tempête qui vient. D’un coté, les plateformes créent quelques emplois ultra-qualifiés, d’un autre, elles en détruisent massivement en prenant des parts de marché à des concurrents embourbés dans l’immobilité et l’attentisme.

Il y a fort à parier que demain, nous inspirant peut-être du monde de la culture qu’on a regardé se défaire sans compassion, nous serons tous plus ou moins des intermittents du travail. Nous cumulerons ici et là des heures pour remplir nos quotas… qui nous donneront droit, sait-on jamais, à des allocations, une assurance-maladie et un RSA d’un nouveau genre. Voilà ce sur quoi il est urgent de se pencher. Car soyez-en sûrs, on ne peut pas avoir Uber et l’argent d’Uber.

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