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Assemblée du 4 mai 2018 - Rapport introductif

Assemblée des communistes de la RATP du 4 mai 2018

Rapport introductif de Michel RIZZI

 

Cher-e-s camarades,

 

Notre assemblée d'aujourd'hui a d'abord à réfléchir sur la situation dans notre pays, marquée par un mouvement social qui se développe, mais qui se heurte aussi à des limites, comme on le voit avec les difficultés de mobilisation à la RATP.

Comment analyser ces limites, que faire pour les surmonter, comment le parti doit-il intervenir ? Telles sont les questions à laquelle cette AG doit apporter des réponses. Des questions qui sont au cœur de la préparation de notre Congrès national qui se tiendra en novembre, puisque celui-ci doit nous permettre de redéfinir notre raison d'être dans le monde d'aujourd'hui, notre projet et notre stratégie.

Mon rapport a pour but d'amener des éléments de réflexion dans ce sens. Il formulera aussi des propositions pour la prochaine Fête de l'Huma et les élections européennes de 2019, tous ces sujets étant liés entre eux.

En revanche, j'ai fait le choix de ne pas évoquer d'autres points importants comme la situation internationale qui est notamment marquée par une aggravation des tensions au Proche-Orient. Nous y avons consacré la formation de ce matin, et je vous renvoie aux positions exprimées par notre parti suite aux bombardements sur la Syrie et qui sont rappelées dans le dernier bulletin de liaison de notre section.

 

 

Le pouvoir macronien tape dur, en multipliant les réformes régressives. Son objectif est de remodeler en profondeur la société française pour l'adapter aux besoins de la finance, dans le contexte de la mondialisation capitaliste et de la révolution numérique. Notre modèle social, les institutions de la République, la tradition d’asile de notre pays, l’indépendance de sa diplomatie : rien de ce qui fait la France n’est épargné.

C’est dans cette optique qu’il faut comprendre l’attaque contre les Services publics, à la fois soumis à une austérité renforcée et livrés au tout-marché et au tout-profit. En particulier, les deux dernières grandes entreprises publiques que sont la SNCF et la RATP sont sommées de se transformer en opérateurs banalisés dans des secteurs ouverts à la concurrence ; et on prépare leur privatisation, dans le premier cas en supprimant le statut d’EPIC, dans le second en filialisant les activités rentables dans des sociétés anonymes dont on pourra ensuite ouvrir le capital en bourse.

Cette offensive s’accompagne d’un autoritarisme toujours plus marqué, avec le renforcement du pouvoir présidentiel que va permettre la réforme du Parlement, ou avec le recours à la violence comme on l’a vu dans les universités pour faire taire toute velléité de résistance et empêcher tout débat. Mesurons aussi que, derrière le bras de fer qui se joue autour du conflit de la SNCF, c’est tout le mouvement syndical qu’il s’agit de faire plier pour avoir ensuite les mains libres, à l’image de ce que Thatcher et Reagan ont réussi au début des années 80 au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. Le Figaro a d’ailleurs bien résumé l’enjeu : « Macron et le gouvernement sont, bien sûr, en première ligne face aux cheminots. Ils jouent très gros. S’ils cèdent, ils pourront dire adieu, ou presque, au train de réformes qu’ils entendent conduire sur d’autres fronts. Notamment sur celui des retraites. »

 

Face à Macron et son gouvernement, et après des années de repli, le mouvement social reprend des couleurs. La mobilisation contre la loi travail avait déjà marqué un progrès salutaire, même si elle n'avait pas été suffisante pour gagner. Un nouveau cap a été franchi ces derniers mois, avec l'engagement dans la lutte de plusieurs catégories de travailleurs. Il y a bien sûr les cheminots en première ligne, mais aussi les étudiants et professeurs des universités contre la sélection que va instaurer la loi ORE, les avocats et magistrats contre la fermeture de tribunaux et la désertification judiciaire qu’elle va provoquer, les personnels des hôpitaux et ceux des Ehpad pour que le service public de santé ait les moyens de fonctionner, les agents de la Fonction publique et les salariés d’Air France pour leurs salaires, ceux de Carrefour contre le dépeçage de leur groupe et pour l’emploi, etc., sans oublier les retraités qui défendent un pouvoir d’achat amputé par toute une série de mesures.

Ces mobilisations mettent clairement le pouvoir en difficulté. Les enquêtes d’opinion montrent que la popularité de Macron a chuté de 20 points en un an. Son image de Président des riches se renforce à chaque décision prise, et il est en train de perdre des soutiens parmi la fraction des électeurs de gauche et les couches populaires qui avaient voté pour lui au premier tour. Ceci l’a conduit dans la dernière période à multiplier les interventions médiatiques pour défendre ses réformes, notamment celle de la SNCF, auprès de l’opinion publique, et éviter que celle-ci bascule du côté des grévistes.

Il y a donc dans l’évolution de la situation des points d’appui. En même temps, gardons-nous de toute vision unilatérale de la réalité. Si l'on veut à la fois saisir toutes les opportunités de marquer des points et éviter de nouvelles désillusions, il importe de cerner au mieux les possibilités nouvelles du moment, mais aussi de ne pas sous-estimer les obstacles auxquels nous nous heurtons.

 

A la RATP, on constate ainsi que la mobilisation a du mal à s'enclencher. Après une journée d'action prometteuse le 22 mars, le 19 avril a été marqué chez nous par un nombre de grévistes très faible et concentré dans quelques secteurs. Pour changer cet état de fait, il faut d’abord que la fraction la plus militante ait les idées claires sur ce qu’il convient de faire.

Une évidence s’impose : l'heure n'est pas à radicaliser les formes de lutte de la petite minorité qui est déjà mobilisée, mais à élargir le nombre de salariés dans l'action. Ce qui suppose de discuter avec eux, de partir de leurs préoccupations pour trouver les bons leviers à activer.

 

Il y a un premier besoin, c’est d’expliquer ce qui se passe à la RATP elle-même.

Il y a en effet une idée qui est encore dans beaucoup de têtes et qui est répétée en boucle par la direction de l’entreprise, c’est que la RATP serait à l’abri et pas concernée par ce qui est prévu pour la SNCF. Il nous faut donc lever le voile sur le processus qui a commencé et qui va aboutir à une privatisation par morceaux de l’EPIC et à la mort progressive du Statut du personnel, mais aussi par voie de conséquence à la privatisation et à l’éclatement des réseaux de transport franciliens.

Cependant, cela ne suffit pas, notamment dans les secteurs où les échéances d’ouverture à la concurrence sont les plus lointaines. Il y a donc aussi nécessité de montrer que la concurrence n’est pas qu’une menace pour plus tard, mais qu’elle se traduit déjà, et cela dans tous les secteurs (y compris le réseau ferré ou le gestionnaire d’infrastructures), par une productivité renforcée qui signifie blocage des salaires, dégradation des conditions de travail et casse de l’emploi.

 

Il y a en second lieu une contre-offensive à engager sur le terrain idéologique.

Puisqu'on fête ce mois-ci le 50° anniversaire de mai 68, il faut rappeler que l'année 1967 avait été marquée par d'intenses luttes sociales, et souligner que la société était alors travaillée en profondeur par les idées progressistes et révolutionnaires. Aujourd'hui, le débat est au contraire accaparé par les idées de droite et même d'extrême-droite. On le voit lorsque la rhétorique de Le Pen est reprise non seulement par Wauquiez, mais aussi par le gouvernement actuel dans sa loi sur l'asile et l'immigration. Mais on peut prendre d’autres exemples :

  • Si le pouvoir peut continuer à multiplier les cadeaux au grand capital et aux plus riches, c'est bien parce que 30 ans de bataille idéologique a permis de faire passer aux yeux d'une partie de la population les hommes du grand capital comme des créateurs de richesses et non comme les exploiteurs qu'ils sont en réalité.

  • C’est aussi l’utilisation du thème des « privilégiés », où ce sont les agents publics et ceux qui ont un emploi fixe qui sont pointés du doigt, conduisant une partie des salariés à se comparer entre eux en oubliant qui sont les vrais profiteurs du système.

  • On peut également évoquer les points marqués dans les têtes par l’idée que la concurrence et le recours aux entreprises privées sont sources d’efficacité, en s’appuyant sur les insuffisances du secteur public, alors que celles-ci résultent précisément d’une gestion toujours plus guidée par la rentabilité financière.

Tant que les idées dominantes demeureront ainsi les idées de nos adversaires, les luttes sociales seront entravées dans leur capacité à rassembler, à converger, et encore plus à déboucher sur des changements réels.

Ce qui veut dire qu’il nous faut mener cette bataille d’idées sur nos bases, sur notre projet, et non pas en simple réaction aux projets du gouvernement. Ce qui est du reste la meilleure façon d’échapper au piège visant à nous faire passer pour les tenants d’un statu quo dont personne ne veut face aux réformateurs macroniens qui seraient eux porteurs de modernité.

 

Enfin, il faut travailler la perspective politique pour redonner espoir au peuple.

Tous, nous faisons le même constat : avec l’aggravation des coups portés au monde du travail et la montée des résistances, plus de salariés, y compris parmi les jeunes, sont ouverts à la discussion, s’interrogent sur l’évolution de la société, recherchent des solutions, et sont de ce fait disponibles pour entendre nos idées et en débattre sans préjugé.

En même temps, ces aspirations se mêlent d’un fort sentiment d’impuissance et de fatalisme. « De toute façon, je sais que je n’aurai pas de retraite », « Je sais que je finirai dans une filiale », « Je sais que je vais perdre mon Statut » : telles sont quelques réflexions qu’on entend, traduisant une résignation qui alimente souvent un repli sur des solutions individuelles. Et cela d’autant plus que Macron et les siens font tout pour accréditer l’idée qu’ils ne cèderont jamais.

Cela fait maintenant plus d’une décennie, depuis le retrait du CPE, que notre peuple n’a pas remporté de victoire probante ; cela pèse dans les consciences. De même que pèse lourdement l’absence d’un projet commun à gauche.

Dans un tel contexte, la colère qui monte peut être détournée vers des solutions politiques qui ne règlent rien et qui aggravent tout. On ne peut pas exclure pour la France un scénario à l'italienne, avec une gauche dispersée façon puzzle et où l'alternance au pouvoir se jouerait entre une droite libérale incarnée par Macron et une droite nationaliste regroupant Républicains et Front national. Appeler à dégager Macron ou à « lui faire la fête » ne peut donc pas tenir lieu de ligne politique pour la gauche. Il y a besoin de le mettre en échec sur chacun de ses projets et de lui opposer une vraie alternative. Pour cela, il faut porter le débat sur les contenus, et dire ce que nous ferions si nous étions au pouvoir.

Il nous faut en fait tenir deux créneaux. D’un côté, dire des choses de fond : sur le type de société qu’on veut, sur la place des services publics comme moyen de concrétiser l’égalité des droits des citoyens, sur les statuts comme forme moderne de la relation de travail, sur la nécessité d’un secteur public fort comme bras armé d’une réorientation de l’économie au service des besoins, sur le rôle que la France peut jouer pour changer le cours de l’Europe, etc.. Et en même temps, il faut avancer des objectifs immédiats, qui parlent aux salariés et qui soient perçus comme à portée de lutte : par exemple sur l’harmonisation par le haut des statuts et des conditions de travail pour empêcher le dumping social dans les transports publics. Le « Ça roule » que nous venons d’éditer est un outil pédagogique irremplaçable pour cela ; il importe d’assurer sa diffusion dans les meilleurs délais.

 

 

La Fête de l'Humanité va nous offrir l'opportunité d'approfondir et d'élargir cette démarche, notamment auprès d'adhérents que nous ne voyons qu'à cette occasion, de militants syndicaux, et d'agents ayant une sensibilité progressiste.

Sur le contenu politique du stand, le Comité de section a réfléchi à plusieurs idées sur lesquelles notre AG doit se prononcer :

  • La principale proposition est d'organiser le samedi après-midi une Table ronde sur le thème « L'avenir de la RATP et de ses agents : et si on en parlait ? ». Y seraient invités les représentants des 4 syndicats représentatifs dans notre entreprise, un représentant de la Direction, et un de nos élus siégeant à IdFM. L'objectif de ces invitations est évidemment d'amener le maximum de salariés à venir, et d'avoir un débat contradictoire sur des questions comme la concurrence (est-elle inéluctable ?), le dumping social (peut-on l'empêcher et comment ?), le devenir de l'entreprise publique et du Statut du personnel (sont-ils condamnés à disparaître ou existe-t-il une autre voie possible ?).

  • La Fête pourrait aussi être un lieu privilégié de diffusion du livret sur les retraites que nous avons décidé en AG, qui est en cours de réalisation, et qui devrait être disponible en juin.

  • Une autre idée, dont il faut cependant vérifier la faisabilité, est de réaliser une exposition de photos et de textes sur « Mai 68 à la RATP ».

  • Et bien sûr, pour appeler à participer à la Fête et à venir sur notre stand, on vous propose de programmer comme chaque année un numéro de rentrée du « Ça roule ».

J'ajoute que le Forum social sera cette année consacré au thème des services publics, avec donc sans doute des débats susceptibles de nous concerner directement.

 

 

La Fête sera aussi marquée par le lancement de la campagne des élections européennes du 26 mai 2019 qui seront la prochaine échéance électorale et auront donc un impact fort sur le rapport des forces politiques, deux ans après l'arrivée de Macron à la Présidence.

 

Le Conseil national du parti a adopté fin mars une résolution qui reprend les préoccupations et idées exprimées dans notre section et qui a été envoyée à chaque adhérent avec le bulletin mensuel de liaison. Que dit cette résolution ?

  1. Elle part d'un constat : l'Europe libérale est de plus en plus rejetée par les peuples, mais ce rejet bénéficie pour l'heure essentiellement aux forces nationalistes et d'extrême-droite. Et il y a un risque que la gauche et ses idées sortent marginalisées du scrutin de l'an prochain.

  2. La résolution pointe le piège qui est tendu par Macron, visant à réduire le choix à « Pour ou contre l'Europe ». Or, l'alternative progressiste à cette Europe libérale, c'est la réorientation radicale du projet européen ; nous voulons l’Europe de l’humain d’abord et non plus celle de la finance, et nous voulons une France libre dans une Europe solidaire. Notre combat ne peut souffrir d'ambiguïté à ce propos. Il n'y a pas de plan B (comme le prétend FI) qui passerait par une sortie de l'Europe et de l'euro. Croire que cette option, dans un monde d’interdépendances, permettrait de se dégager du capitalisme et de la concurrence mondiale entre les peuples est une illusion. Elle fait l'impasse sur les défis mondiaux, comme l’enjeu écologique, la lutte contre l’évasion fiscale, la spéculation ou encore la domination du dollar, qui exigent une organisation à l’échelle régionale. Et elle ne peut déboucher que sur une guerre économique encore plus violente et le déchaînement des nationalismes qui portent en germe la guerre tout court.

  3. La résolution pose le rassemblement comme la condition pour que la gauche ne soit pas marginalisée dans cette élection par la multiplication des listes, et pour qu'il y ait des élus communistes demain au Parlement européen. Le parti a donc lancé un appel aux acteurs du mouvement social et citoyen et à toutes les forces de gauche opposées à la politique de Macron pour construire une plateforme et une liste communes, avec l’objectif de disputer la victoire aux tenants de l’Europe du capital et du repli nationaliste. Le texte du CN indique les contenus sur la base desquels un tel rassemblement peut se construire, déclinés en 4 grandes orientations et 14 engagements.

 

A la RATP, le thème de la concurrence est évidemment le point d'entrée numéro un pour aborder cette échéance. Cette élection est en effet le moment ou jamais de faire entendre dans les urnes l'exigence d'une remise en cause du règlement OSP qui l'a instaurée dans les transports publics franciliens, avec toutes les conséquences négatives que l'on connaît pour les personnels et pour l'entreprise publique.

Les objectifs immédiats que nous pouvons porter dans la campagne sont : un moratoire sur tous les textes de libéralisation comme ce règlement, l'abrogation du traité budgétaire, et un plan d'investissement européen pour les transports. Cela comme première étape d'une nécessaire réécriture des traités, qui fixe comme objectif central à la construction européenne le développement des droits humains et le progrès social au lieu de la « concurrence libre et non faussée », et qui reconnaisse dans ce but une place centrale aux Services publics en les plaçant hors marché et sous le contrôle des citoyens.

 

Le Conseil national de juin formulera des propositions de candidatures, avec l'objectif de finaliser la liste à l'automne. Les adhérents seront évidemment consultés. Il est important que chacun d'eux se sente partie prenante de ce processus et acteur des choix qui seront faits.

 

 

Je vous propose maintenant d'engager la discussion à partir de tous ces éléments. Nous avons notamment besoin d'un échange approfondi pour définir une ligne stratégique partagée qui permette de donner de la perspective, de l'espoir et de la combativité aux salariés de la RATP.