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LA FRAUDE PATRONALE AU CHÔMAGE PARTIEL pendant la crise sanitaire s’élève au moins à 6 milliards d’euros

 

Fin avril, Myriam* apprend qu’elle est en fait en chômage partiel depuis la mi-mars. Son employeur, le dirigeant d’un cabinet de conseil installé dans un bel immeuble parisien, les avait déclarés, elle et ses collègues, dans ce dispositif exceptionnel (dont l’appellation légale est “activité partielle”) qui permet aux entreprises de faire prendre en charge les salaires par les contribuables lorsque les circonstances provoquent la fermeture de l’établissement ou la diminution de l’activité. Ce n’est pourtant pas le cas pour Myriam et ses collègues, qui ont tous continué à télétravailler, sans même savoir qu’ils étaient en chômage partiel. 

 

31% des salariés en chômage partiel ont dû continuer de travailler

Son cas est loin d’être isolé. Selon l’enquête en ligne Lutte Virale, 31 % des personnes en chômage partiel ou en arrêt maladie pour garde d’enfant ont dû continuer à travailler dont 10 % déclarent l’avoir fait souvent ou tout le temps. Une autre enquête, menée par le cabinet d’expertise Technologia, a plus récemment aboutit à des résultats encore plus alarmants : plus de la moitié des élus du personnel interrogés lors de cette étude estime qu’il y a eu des abus. Le chômage partiel a donc été utilisé par nombre d’employeurs comme une façon de faire des économies sur le dos de la crise sanitaire.

[…]

6 milliards d’euros d’argent public jetés par la fenêtre

L’Etat est bien une providence, comme le dit Sylvain Tesson (à qui on recommande de retourner photographier des panthères des neiges et de la fermer) mais qui n’illumine que les grandes entreprises privées. C’est d’ailleurs déjà ce que reprochaient les gilets jaunes en dénonçant le CICE, ce crédit d’impôts de dizaines de milliards d’euros sans aucune contrepartie exigées derrières. Et depuis plusieurs semaines, l’argent magique coule à flot pour les entreprises privées, sans exigence ni contrôle. Nos pudiques journaux, toujours prompts à dégainer les chiffres de la fraude aux allocations sociales (300 millions d’euros par an aux dernières estimations), et qui ne parlaient déjà pas de la fraude patronale aux cotisations sociales, estimée entre 6,8 et 8,4 milliards d’euros par an, ne se sont pas amusés à chiffrer le montant potentiel de cette fraude au chômage partiel. Nous nous y sommes essayés :

Budgété à 24 milliards d’euros dans la dernière loi de finance rectificative votée en mars, le chômage partiel dédié à la crise sanitaire, s’il est abusif dans au moins un quart des cas comme les différentes enquêtes tendent à le montrer, serait donc fraudé à hauteur de 6 milliards d’euros. Et encore, il s’agit d’une fourchette basse, puisque les salaires concernés sont sans doute les plus élevés car à niveau cadre  – la majorité des cadres pouvant télétravailler, il est plus facile de frauder avec cette main d’oeuvre là.

Des milliards d’euros de fraude patronale et ce serait à nous de travailler plus ?!

Nous avons donc potentiellement 6 milliards d’euros d’argent public balancés dans la nature, à payer à la place du patronat des salariés qui continuent de bosser en télétravail pour leur employeur et sans que celui-ci ne soit contraint d’aucune manière de faire des efforts par ailleurs. Ce chiffre est certainement sous-estimé, puisque la dépense publique en termes de chômage partiel excédera les 24 milliards, à en croire le président de la commission des finances de l’Assemblée Nationale. Mais toujours est-il que ces 6 milliards voire plus pourront donc se retrouver en grande partie dans la poche des actionnaires.

Pour donner un ordre de grandeur, à l’automne 2019 était votée la loi de financement de la sécurité sociale qui donnait à l’assurance-maladie un objectif de 4,2 milliards d’économies supplémentaires en 2020.

 

Que faire pour dénoncer la fraude ?

Que peut-on faire contre ça ? On veut dire : à part faire confiance à Muriel Pénicaud, dont le directeur de cabinet est un ex-membre de la direction du MEDEF, pour qu’elle tape du poing sur la table et mettent en place des contrôles drastiques dans les entreprises françaises ?

Lors d’une visio-conférence en présence de son employeur, Myriam a protesté. Il lui a répondu oh, ça va, je paie suffisamment d’impôts comme ça”. Nouvellement embauchée, elle n’a pas osé aller plus loin.

Si vous êtes salarié.e témoins et victimes d’abus de chômage partiel, prenez des captures d’écran des mails qui vous demandent du travail, des messageries instantanées, des courriers… Gardez ça sous le coude. Allez voir vos représentants du personnel, qui sont théoriquement en contact avec l’inspection du travail. Sachez, si l’on fait pression sur vous, que la loi vous considère comme lanceur d’alerte. Et vos représentants du personnel, membre du Comité Économique et Social (CSE), sont protégés du licenciement. Ils peuvent donc plus facilement vous représenter et prendre le relais de votre démarche. Si la fraude est démontrée, l’entreprise devra reverser l’intégralité de l’argent public volé, payer une amende tandis que votre employeur risque de la prison. 

La crise sanitaire aura décidément permis aux grandes entreprises de se sucrer sur le dos des citoyens, en profitant de la générosité d’un État effectivement providence… dédié aux riches.

* le prénom a été modifié

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