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LE 93 INTÉRESSE LA FINANCE AMÉRICAINE

 

     Le grand capital français allié aux puissances d’argent américaines veut faire main basse sur la Seine-Saint-Denis. C’est le très libéral Institut Montaigne (qui regroupe les principales firmes capitalistes françaises) qui a commandé un rapport sur ce département à une haute responsable du cabinet de conseil américain « Boston Consulting group », comptant sur le soutien du géant nord-américain de la finance JP Morgan. Spécialisée dans les services financiers et la gestion d’actif, cette banque, numéro 1 aux Etats-Unis, possède le plus important fond spéculatif du monde et a réalisé 36 milliards de dollars de bénéfices nets l’année dernière.

      L’intention n’est autre que de chercher à court-circuiter l’action de l’Etat et des collectivités locales. Le rapport s’inscrit en effet à l’encontre des conclusions de la mission parlementaire qui avait reconnu dans son Rapport d’information (publié fin mai 2018) « l’inégalité républicaine » dont était victime le "93" tout en pointant des sous effectifs injustifiables en matière de services publics comparés aux départements voisins et à missions égales

     Inutile donc de préciser que son ambition principale n’est pas le développement des services publics, le bien-être des habitants ou encore la lutte contre la pauvreté. Le rapport de l’Institut Montaigne n’est rien d’autre qu’une attaque en règle contre les « politiques publiques » dont les rênes devraient être données au secteur privé. Selon ses auteurs, la Seine Saint Denis serait « l’un des départements qui a reçu les plus grandes preuves d’amour de l’Etat » ! Ils prônent une politique ciblée sur les « minorités » appelées à se former aux Etats-Unis pour y apprendre les règles de la finance et du « community organizing » (organisation communautaire), au nom d’une « stratégie d'engagement vers les minorités » qu’avait révélé les câbles diplomatiques publiés par Wikileaks.

      Cela fait déjà plusieurs années que l’ambassade américaine s’intéresse aux banlieues françaises. Appelez ça de la diplomatie d’influence, l’objectif reste le même : promouvoir les intérêts de Washington et du système économique défendu – et souvent imposé – par ce pays.

      Ajoutons que depuis des années, les libéraux nord-américains dépensent de grandes sommes d’argent pour former des militants, affublés du qualificatif de « progressistes », chargés de déboulonner les élus de gauche du département, en commençant par les maires communistes. Le département est en effet considéré à « fort potentiel » du fait de sa jeunesse et d’équipements souvent issu du « communisme municipal ». Et la vingtaine de milliards d’euros qui vont y être investis dans les quinze années à venir (projet d’aménagement du Grand Paris, liaison ferroviaire Charles de Gaulle Express, terminal 4 de l’aéroport CDG, Jeux olympiques…) font saliver du côté de l’empire de l’oncle Sam qui aimerait bien transformer le département en colonie dans laquelle on remplacerait le RSA par des « jobs » sous payé à l’américaine.

      La Seine Saint-Denis serait ainsi vouée à devenir le « département test » d’un développement effréné des technologies numériques. Un développement des activités liées au secteur tertiaire qui tirerait un trait sur le réseau de PME et le développement industriel dont ce département aura particulièrement eu à subir la brusque disparation.

     Et si certaines recommandations peuvent prêter à rire (utilisation des réseaux sociaux, avec le soutien d'influenceurs, pour rentrer en contact avec des jeunes qui ne fréquentent plus les institutions publiques) d’autres beaucoup moins comme la vidéosurveillance intelligente généralisée pour lutter contre l’insécurité ou encore les décisions administratives assistées par des logiciels. Et que penser de l’utilisation d’outils prédictifs pur lutter contre la fraude, ou encore du traçage des déplacements des personnes en situation irrégulière.

      Pourtant, ces projets de société misant sur le tout-numérique sont dénoncés depuis déjà plusieurs années. Il ne s’agit donc pas d’avoir ici un discours "anti-technologique", mais bien de tirer la sonnette d’alarme car ce qui est en jeux est extrêmement grave. Les auteurs de ce rapport ne sont pas "apprentis sorciers" qui ne seraient pas conscients de ce qu’ils proposent, car nous savons vers où mènent ces idées.[…]

     Vers une société complètement ubérisée dans laquelle le travail précaire serait la norme et où notre jeunesse populaire auto-entrepreneuse finirait endettée et esclave des compagnies de la Silicon Valley. Derrière un jargon branché (à renforts d’anglicismes), les habitants de la Seine-Saint-Denis pourraient se retrouver être les cobayes d’une fausse utopie urbaine au service des géants du web. Déjà dans d’autres parties du globe, Google essaye de devenir la plateforme qui gérera les services municipaux du futur. Le département du 93 doit-il devenir la porte d’entrée de ces projets en France ? […]

 

Extraits de l’édito de Patrick Le Hyaric dans l’Humanité Dimanche.

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LE 93 INTÉRESSE LA FINANCE AMÉRICAINE

le 03 June 2020

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