Heurté coup sur coup par la pandémie du Covid-19 puis par les révoltes urbaines suite à l’assassinat de George Floyd, le président américain Donald Trump multiplie depuis le début de la crise sanitaire les efforts pour empêcher les potentiels électeurs démocrates de voter à la présidentielle le 3 novembre prochain. Ce dernier agite des soupçons de fraudes et refuse de dire s’il reconnaîtra le résultat en cas de défaite. Il est aidé dans ses efforts par le Parti républicain (GOP) et l’appareil conservateur. Les Démocrates, obnubilés par leur crainte d’ingérence du président russe Vladimir Poutine, réagissent tardivement. La légitimité de l’élection se trouve ainsi de plus en plus remise en question au sein d’une société américaine polarisée et morcelée.

Par Jules Brion et Politicoboy.

20 heures, 7 novembre 2000, au soir de l’élection présidentielle américaine. En se fondant sur les sondages de sortie des urnes, les chaînes de télévision du pays annoncent la victoire du candidat démocrate Al Gore en Floride. Cela fait de lui le prochain président des États-Unis. Mais à mesure que le dépouillement avance, Georges W. Bush refait son retard. À 22 heures, les médias rétractent leur jugement. À 4h30 du matin, le Républicain remporte la Floride par 1 784 voix d’avance, et de ce fait, la Maison-Blanche.

Dans les jours suivants, et compte tenu du faible écart constaté, un recompte a lieu à l’aide de machines. L’avance de Georges Bush tombe à 327 voix. Al Gore demande, comme la loi l’autorise, un recomptage manuel dans certains comtés de Floride. Le gouverneur de l’État est alors Jeb Bush, frère de son adversaire. De plus, la secrétaire de l’État à l’Intérieur, Katherine Harris, en charge de la supervision des élections, n’est autre que la directrice de la campagne de Georges Bush. Celle-ci a d’abord pris des directives restrictives pour limiter l’accès au vote par correspondance pour les citoyens résidant à l’étranger. Puis elle a imposé des délais intenables pour le recompte.

Une bataille juridique s’est engagée. Elle s’achève lorsque la Cour suprême tranche en faveur de Georges Bush. Par cinq voix à quatre, elle interrompt le recompte des voix. Sa justification est que le calendrier doit primer sur la vérification des bulletins de vote. Elle offre ainsi un premier mandat au candidat républicain, pourtant battu de plus d’un demi-million de voix à l’échelle nationale. Dans les mois suivants, un consortium de médias rassemblant les plus prestigieux titres du pays – dont le conservateur Wall Street Journal – produit une enquête. Elle conclut qu’Al Gore aurait remporté la présidentielle si le recompte manuel avait été mené à son terme. [1]

Vingt ans plus tard, un cas de figure similaire pourrait se reproduire. Le coronavirus a mis à mal sa stratégie axée sur le plein emploi et l’affrontement avec la Chine. Donald Trump s’efforce donc de délégitimer l’élection et tente de réduire la participation. Il espère compliquer l’accès au vote des électeurs démocrates. Dans cette entreprise, il peut compter sur l’expérience du Parti républicain. Ce dernier poursuit depuis longtemps une stratégie visant à limiter l’accès au vote des électeurs lui étant structurellement hostiles, « avec une précision chirurgicale » selon la Cour suprême du Texas. Cette dernière a temporairement invalidé une loi ciblant les minorités ethniques, les étudiants et les classes populaires.

https://lvsl.fr/comment-donald-trump-cherche-a-manipuler-la-presidentielle-americaine/