Accueil

Panthéonisation des résistants Missak et Mélinée Manouchian. Le PCF 66 fait sa cérémonie (L’Indep)

le 22 février 2024

Panthéonisation des résistants Missak et Mélinée Manouchian. Le PCF 66 fait sa cérémonie (L’Indep)

L’Indépendant, le 22 février 2024

Collioure. Machado : la dimension historique et littéraire de la mémoire et l’exil (L’Indep)

le 22 février 2024

Collioure. Machado : la dimension historique et littéraire de la mémoire et l’exil (L’Indep)

L’Indépendant, le 22 février 2024

Le billet de Jean-Michel Galano. Manouchian : une partie de nous-même

le 22 février 2024

Le billet de Jean-Michel Galano. Manouchian : une partie de nous-même

Au journaliste qui s’obstine à me demander si Manouchian est pour moi d’abord un communiste, d’abord un résistant ou d’abord un poète, je réponds, agacé, qu’il est d’abord un exemple. Et j’enchaîne : - Pourquoi chercher à dissocier ce qui forme un tout ? Réfléchissez bien à ceci : ces hommes et ces femmes, Arméniens, Polonais, Roumains, Hongrois, Italiens, Juifs pour beaucoup d’entre eux, ils avaient choisi la France parce que c’était le pays des Lumières, de l’universalisme, de l’humanisme. Mais ils n’y arrivaient pas comme des voyageurs sans bagages. Ils y étaient venus avec leur expérience de la lutte antiraciste, antifasciste, avec leurs idéaux internationalistes, riches aussi de leurs traditions culturelles, notamment l’amour de la musique, de la poésie, le goût du sport, leur humour, des façons de voir les choses, des façons d’être, des valeurs. Sans parler de leur désintéressement et de leur courage physique. Cette France qu’ils aimaient, ils l’ont ouverte à la diversité, ils l’ont enrichie de nouveaux horizons et de nouveaux possibles. Leur apport est inestimable. Il fait corps avec ce que nous sommes, ou plutôt ce que nous sommes devenus avec eux. Et ce qui a contribué à nous faire ce que nous sommes ne peut pas être émietté.

Le journaliste a hoché la tête et m’a demandé mon prénom.

Jean-Michel Galano

Panthéonisation de Missak Manouchian - Hommage des communistes – Discours d’ouverture, Igor Zamichiei, 21 février 2024

le 21 février 2024

Panthéonisation de Missak Manouchian - Hommage des communistes – Discours d’ouverture, Igor Zamichiei, 21 février 2024

Vive le front des ouvriers, avec tous nos frères étrangers !

Le 21 février 1944, Missak Manouchian tombe au Mont-Valérien, fusillé par les nazis. Ce soir, quatre-vingts ans plus tard -enfin !- Missak et Mélinée Manouchian entreront au Panthéon.

Et à leurs côtés, une plaque nommera chacun des vingt-deux membres(1) des Francs-tireurs et partisans de la Main-d'œuvre immigrée (FTP-MOI) exécutés comme lui, « vingt-trois amoureux de vivre à en mourir », comme l’écrira Aragon, ainsi que le chef des FTP de la région parisienne, Joseph Epstein.

C’est la reconnaissance de la Résistance communiste. Et celle de la Résistance d’étrangers morts pour la France, pour la liberté et la paix.

À l’heure où certains font couler le venin dans leur plume comme aux heures les plus sombres de notre histoire.

À l’heure où les assignations identitaires grandissent, la vie même de Missak Manouchian est l’éclatante preuve que l’identité est toujours multiple : ouvrier, arménien, apatride, communiste, poète, sportif… Missak Manouchian n’était réductible à aucune de ces identités prises isolément, il était toutes ces identités à la fois.

À l’heure où la guerre fait rage sur le continent en Ukraine, au-delà en Israël-Palestine et dans tant de pays du monde.

À l’heure où la nuit tombe sur l’Europe, où la Méditerranée se transforme en cimetière pour les migrants et où des forces héritières du nazisme élaborent des plans de déportation de millions d’étrangers et de citoyens allemands en raison de leur origine.

À l’heure où leurs amis, ici, héritiers du régime de Vichy, portent la priorité nationale en étendard et osent se présenter au Panthéon, le combat de ces résistants doit être connu pour ce qu’il a été, reconnu et prolongé car le devoir de mémoire est aussi un devoir de combat quotidien contre ces forces.

Si Missak Manouchian avait demandé deux fois la nationalité française, nationalité qui lui fut refusée, ce n’était pas pour exalter une identité mythifiée, mais pour faire vivre concrètement les idéaux des Lumières, de la Révolution française, de la Commune de Paris et faire avancer le projet communiste en France.

*****

Pour saisir toute la portée de l’événement que nous vivrons ce soir, il faut comprendre que la Résistance de la main-d’œuvre immigrée (MOI) n’est pas un moment d’engagement à part, mais bien une étape dans la longue histoire du mouvement ouvrier qui n’a pu être possible que par l’expérience accumulée de plus de quinze ans de combat de la MOI pour le progrès social et la liberté.

Ce combat de nos frères étrangers commence bien avant la Seconde Guerre mondiale. C’est d’abord sur cette histoire que je voudrais m’arrêter en ouverture de cet hommage.

Cette histoire de la MOI a une double source. L’appel à une main-d’œuvre extérieure après l’horreur de la Première Guerre mondiale qui fit plus d’1 300 000 morts pour la France, autant d’hommes qui manquent alors pour répondre aux besoins du pays. Et aussi l’exil d’étrangers, rescapés du génocide des Arméniens de 1915, comme c’est le cas de Missak et Mélinée, ou fuyant des régimes autoritaires, fascistes et nazi, dans les années 20 et 30, de la Hongrie sous Horthy à l’Espagne sous Franco, en passant par l’Italie dirigée par Mussolini, la Pologne par Pilsudski et bien sûr l’Allemagne par Hitler.

La France passe d’un million d’étrangers avant la guerre en 1910 à trois millions en 1931.

Dès lors chacun comprend l’importance pour les communistes de s’adresser à ces travailleurs étrangers. L’objectif est de construire l’unité du monde du travail de l’époque, « un front des ouvriers » pour s’opposer au capitalisme.

Quoi de plus important quand nous savons, comme l’a dit avec force Jean Jaurès, que ce capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée l’orage. C’était le cas hier. C’est malheureusement plus que jamais d’actualité.

Pour les communistes, paix et progrès social sont deux combats indissociablement liés.

Construire ce front des ouvriers nécessitait une organisation qui fasse converger l’action des travailleurs français et immigrés dans la lutte contre la politique patronale et du bloc national au lendemain de la Première Guerre mondiale.

Après la fondation de la Main-d’œuvre étrangère (MOE) en 1923 par la CGTU en janvier 1924, le PCF fonde des groupes de langues pour organiser les travailleurs immigrés venant principalement de l’immigration italienne, polonaise, espagnole, juive (yiddishophone), arménienne, hongroise, yougoslave et ukrainienne.

Ses groupes de langues ont eu un rôle très important pour notre parti, pour connaître la réalité du travail et organiser les travailleurs dans des secteurs professionnels à forte composante immigrée, pour diffuser et partager notre projet, pour lutter contre la xénophobie dans le mouvement ouvrier, en particulier après la crise de 1929.

Certains de ces groupes, je pense aux Italiens, étaient la base même de l’organisation communiste dans certains secteurs professionnels. Sans les communistes italiens, nous serions restés à l’écart de toute une partie du monde ouvrier de l’époque.

En 1932, la Main-d’œuvre étrangère change de nom pour devenir la Main-d’œuvre immigrée.

Au début des années 1930 et jusqu’en 34-35 la répression est forte. Le simple fait de participer à une réunion syndicale ou politique pouvait conduire à une arrestation. Il y avait bien sûr le risque de perdre son emploi, et cela arrivait fréquemment lors des grèves, ou d’être expulsé du territoire. Certains membres de la MOI, qui avaient fui des régimes autoritaires et connu la clandestinité ou la prison, étaient les mieux préparés.

Au début de l’année 1934, Manouchian écrit dans un carnet son « désir infini d’adhérer au Parti communiste et de se consacrer à la lutte sociale ». Il le fera à l’heure où les ligues d’extrême droite marchent à Paris et où notre parti engage une nouvelle stratégie visant la construction de larges fronts pour riposter au fascisme.

Cette année, il rencontrera Mélinée au sein du comité de secours pour l’Arménie.

1934, c’est aussi l’année où Brecht, après l’accession d’Hitler au pouvoir, écrit la chanson du front uni du mouvement ouvrier allemand qui appelle à la constitution de ce front des ouvriers dont l’ambition est à l’origine de la création de la MOE. 

1934, c’est encore l’arrivée de Giulio Ceretti, aussi connu sous le pseudonyme de Paul Allard, à la tête de la MOI. Le dirigeant communiste italien jouera un rôle clé. Je pense à la bataille pour un statut juridique des étrangers qui visait à faire progresser leurs droits. La proposition de loi n’aboutira pas, mais une grande campagne est menée et aura un retentissement important.

Cette bataille pour les droits nous la poursuivons aujourd’hui, nous l’avons fait ici à Paris, aux côtés de femmes étrangères, coiffeuses, victimes de traite au cœur de la capitale et nous avons gagné. Et nous continuons de la mener avec tous les travailleurs sans-papiers pour leur régularisation.

Giulio Ceretti agira aussi pour la coordination des Brigades internationales qui se constituent pour aller combattre en Espagne contre Franco.

La guerre d’Espagne joue un rôle décisif dans l’histoire de la MOI. Les 4 détachements des FTP-MOI à Paris en 1942 ont tous à leur tête d’anciens brigadistes. C’est le cas d’Epstein lui-même qui les dirige à partir de janvier 1943.

Après les années 34-35, avec le Front populaire, les effectifs du Parti vont décupler. La progression est bien moindre mais tout de même significative au sein de la MOI qui doublera son nombre d’adhérents. Au-delà de leur implication dans la lutte contre Franco, les militants de la MOI participent pleinement aux grands combats sociaux du Front populaire.

Puis la situation va radicalement changer avec l’arrivée en 1938 du gouvernement Daladier et l’action de son ministre de l’Intérieur Albert Sarraut, très répressive à l’encontre des immigrés. Et en août 1939, le pacte germano-soviétique sera très mal vécu au sein de la MOI, en particulier par les militants juifs.

*****

Ce qu’il faut retenir de la période qui suit, avant la résistance à l’occupant, c’est que dès septembre 1939, 83 000 étrangers se déclareront volontaires pour s’engager dans l’armée française. Alors même qu’il est arrêté début septembre, c’est le cas de Missak Manouchian qui demande tout de suite à participer aux combats contre l’Allemagne. Sa demande est acceptée, mais il ne sera pas envoyé au combat, chargé de l’entraînement de recrues, puis affecté à une usine, dont il s’échappera avant d’être à nouveau arrêté puis libéré en 1941.

Dès l’été 1940, avec les premières actions de Résistance, de nombreux dirigeants de la MOI joueront un rôle majeur. Louis Grojnowski, juif polonais, qui œuvre à la reconstitution clandestine de la MOI au cours de l’été 40, alors même que les premières lois antisémites sont mises en œuvre par le gouvernement de Vichy. Et Adam Rayski qui constitue l’organisation « Solidarité » qui vient apporter une aide concrète aux familles juives menacées.

C’est le début d’actions de Résistance, qui commencent avec l’impression de la presse clandestine comme Naïe Presse -née en 1934 puis interdite en octobre 1939-, désormais éditée sous le titre Unzer Wort, et les actions de solidarités envers les juifs. Les jeunes communistes seront particulièrement actifs, lançant des papillons pour diffuser les positions du Parti et participant à diverses actions de Résistance.

Il faut bien sûr citer nos camarades Henri Krasucki et Paulette Sarcey, d’origine juive polonaise, qui joueront un rôle important dans la résistance des jeunesses communistes de l’est-parisien, avec également Roger Trugnan, entre 1941 à 1943, avant leur déportation commune en juin 1943 avec une cinquantaine de leurs jeunes camarades. Ou encore Robert Endewelt qui échappa au coup de filet des brigades spéciales et continua son action dans la Résistance.

Je pense aussi à Boris Holban, juif roumain, qui prendra la direction des FTP-MOI à leur naissance en mai-juin 1942. Marcel Rajman, juif polonais, qui tuera l’officier SS Julius Ritter. Ou encore Joseph Boczov, juif hongrois, chef du détachement des dérailleurs.

En un an et demi, jusqu’à leur chute en novembre 1943, les FTP-MOI de la région parisienne réaliseront plus de 200 actions contre l’occupant. D’autres seront très actifs en 1943 et 1944 comme le groupe « Carmagnole » à Lyon, « Liberté » à Grenoble, « Marat » à Marseille, la 35e Brigade de Toulouse, les groupes du Nord-Pas-de-Calais.

Au total, ce sont des centaines d’actions - assassinat d’occupants, déraillements, sabotages d’usines…

Les FTP-MOI prendront toute leur part dans tout le pays, y compris dans les maquis, dans les combats de la Libération.

Les partisans sont nombreux à avoir perdu la vie dans toute la France dans ce combat, fusillés ou déportés dans les camps de concentration et d’extermination. Parmi eux, beaucoup mourront aux cris de « Vive la France » et « Vive le Parti communiste français ».

Au-delà des combattants, des centaines d’autres résistants leur apportaient une aide concrète et très risquée. Les femmes en particulier ont joué un rôle majeur, trop peu mis en lumière, alors même qu’elles faisaient passer des messages essentiels à la Résistance, diffusaient la presse clandestine, transportait du matériel et des armes, soignaient les blessés.

Je pense évidemment à Olga Bancic et Cristina Boico, toutes deux juives roumaines, la première participant à de très nombreuses opérations en passant des armes, la seconde responsable du renseignement pour les FTP-MOI.

*****

Il y aurait tant de noms à citer pour rendre hommage à la Résistance de la MOI qui tiendra une place si importante dans la Résistance communiste et bien au-delà dans la Résistance française. Les noms de celles et ceux qui y ont laissé leur vie, autant que les noms des survivants.

Nous leur devons des avancées sociales, la paix et la liberté.

Et plus personnellement, comme beaucoup de Français, moi-même, petits-fils d’un immigré italien jeune résistant déporté à Buchenwald à 21 ans, je sais ce que je dois à leur action qui contribuera, avec des milliers d’autres, à vaincre l’occupant et à permettre le retour de mon grand-père en vie en 1945.

À ceux qui de l’extrême-droite à la droite extrême exaltent aujourd’hui le droit du sang dans la lignée des collaborateurs du régime de Vichy, la mémoire de ces hommes et femmes de la MOI vient leur rappeler que des étrangers ont versé leur sang pour la France, pour que nous puissions toutes et tous, Français et étrangers, vivre libres sur le sol français.

En 1933, dans un beau poème intitulé Course, Missak Manouchian écrivait que dans le combat quotidien contre les ténèbres,

Mon âme renaît du mouvement d’espérance.

Et toujours s’envole vers l’infini.

Ce soir Missak, ton entrée au Panthéon, accompagné de tes camarades de la main-d’œuvre immigrée, est un signal d’espérance pour les travailleurs et les peuples qui pourront puiser dans ton histoire la force d’agir pour de nouveaux jours heureux.

Nous continuerons de te rendre hommage et nous ranimerons sans fin le feu de ton implacable combat pour que vive le front des ouvriers avec nos frères étrangers et que triomphe la grande paix humaine !

(1) Celestino Alfonso, Espagnol, 27 ans ; Olga Bancic, Roumaine, 32 ans ; Joseph Boczor, Hongrois, 38 ans, Georges Cloarec, Français, 20 ans, Rino Della Negra, Français d'origine italienne, 19 ans, Thomas Elek, Hongrois, 18 ans, Maurice Fingercwajg, Polonais, 19 ans, Spartaco Fontanot, Italien, 22 ans, Jonas Geduldig, Polonais, 26 ans, Emeric Glasz, Hongrois, 42 ans, Léon Goldberg, Polonais, 19 ans, Szlama Grzywacz, Polonais, 34 ans, Stanislas Kubacki, Polonais, 36 ans, Cesare Luccarini, Italien, 22 ans, Missak Manouchian, Arménien, 37 ans, Armenak Arpen Manoukian, Arménien, 44 ans, Marcel Rajman, Polonais, 21 ans, Roger Rouxel, Français, 18 ans, Antoine Salvadori, Italien, 24 ans, Willy Schapiro, Polonais, 29 ans, Amedeo Usseglio, Italien, 32 ans, Wolf Wajsbrot, Polonais, 18 ans, Robert Witchitz, Français, 19 ans.

Hommage à Manouchian : matinée du 21 février 2024

le 21 février 2024

Hommage à Manouchian : matinée du 21 février 2024

Missak et Mélinée Manouchian, un couple en Résistance. Un livre de Gérard Streiff préfacé par Didier Daeninckx

le 21 février 2024

Missak et Mélinée Manouchian, un couple en Résistance. Un livre de Gérard Streiff préfacé par Didier Daeninckx

Disponible à la Maison des communistes (salle Philippe Galano) - 44, avenue de Prades - Perpignan.

Gérard Streiff sera présent à la soirée d'Hommage à Missak et Melinée Manouchian et à ceux de L’Affiche Rouge pour dédicer son livre.

Hommage de la CGT et du PCF à Missak Manouchian

le 21 février 2024

Hommage de la CGT et du PCF à Missak Manouchian

Pierre Ouzoulias sur Public Sénat. « Manouchian : la fraternité absolue »

le 21 février 2024

Pierre Ouzoulias sur Public Sénat. « Manouchian : la fraternité absolue »

Le PCF et l’internationalisme. Texte prononcé par Yvette Lucas à l’occasion de l’hommage du PCF à Missak Manouchian

le 21 février 2024

Le PCF et l’internationalisme. Texte prononcé par Yvette Lucas à l’occasion de l’hommage du PCF à Missak Manouchian

Bonjour à toutes et tous,

Quelle émotion, et fierté, pour les vétérans du PCF au nom de qui je parle ici, que l’entrée au Panthéon de Missak et Mélinée Manouchian, et avec eux de l’ensemble de leur groupe de résistants communistes FTP-MOI.

Adolescente, durant l’occupation, j’ai vu l’Affiche Rouge. Les nazis l’avaient placardée dans le plus petit village. Cela ne me surprenait pas. Dans ma cité ouvrière, qui fut un haut lieu de résistance, avait vécu le premier fusillé de notre département. Dans la maison voisine de la mienne, le père avait été arrêté et exécuté, la fille déportée. J’avais vu la Gestapo procéder à des arrestations. Manouchian et ses compagnons n’étaient pas pour moi, pour nous, des étrangers. Pour nous les étrangers, c’étaient les occupants nazis.

J’ai appris après la Libération qui étaient Manouchian et ses compagnons, qui était Mélinée. Et j’en ai connu bien d’autres, non français, qui avaient aussi combattu avec nous.

Le souvenir des combats communs -hélas souvent dramatiques- est, parmi tant d’autres, l’incarnation de cette valeur essentielle pour les communistes : l’internationalisme.

Cet internationalisme qui est au fondement même du Parti Communiste Français, notre parti. Souvenons-nous : Marx et le manifeste du parti communiste : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! ».

Ce fondement internationaliste qui nous a fait soutenir résolument la révolution de 1917 en Russie. La solidarité internationale qui nous a liés, dès le début, à tous les partis communistes, à tous les mouvements comparables ; qui nous imprègne pour soutenir les luttes émancipatrices, pour aider tous les opprimés dans leur combat contre les oppresseurs. Cet internationalisme qui a fait écrire à Missak, avant son exécution : Au moment de mourir, je proclame que je n'ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit, Cet internationalisme qui, suivant la parole de Jaurès, nous a rapprochés de notre pays, la France, unissant l’Internationale et la Marseillaise, le drapeau rouge et le drapeau tricolore.

Il est pour un parti diverses façons de pratiquer l’internationalisme. Au plus haut niveau partout dans le monde, l’affirmation répétée, et la mise en pratique constante des principes et des moments qui le constituent. Concrètement, par des actions marquantes, dont il peut être à l’initiative. Ces actions marquantes sont accompagnées, amplifiées et soutenues, par la pratique militante, quotidienne et collective des membres du parti, et aussi par d’autres qui nous sont proches.

Je voudrais témoigner de quelques-uns de ces grands moments, survenus au fil de plus d’un siècle.

Ce fut, au tout début, durant les années 20, précisément en 1925, que le tout nouveau PCF prit position contre la guerre du Rif, où les français s’étaient associés aux troupes espagnoles au Maroc contre les berbères autochtones.

Ce fut, durant les années 30, l’organisation du mouvement Amsterdam-Pleyel. Un mouvement de lutte contre la guerre et le fascisme, créé en 1933 à l’initiative d’Henri Barbusse et de Romain Rolland. Il se réunit du 4 au 6 juin 1933 à la salle Pleyel à Paris et marqua l’histoire de ce temps. Il fut partout reconnu que le parti communiste français, et à sa suite l’Internationale communiste, jouèrent un rôle de premier plan dans l’organisation de ce mouvement international.

Très peu après, commença le soutien à l’Espagne républicaine et aux espagnols en lutte contre la sédition de Franco. Une solidarité de très longue durée. J’y reviendrai.

Du mouvement de la Résistance, dans lequel notre parti joua un rôle essentiel, et que j’ai vécu de près, je dirai peu car d’autres dans ces journées l’ont fait et le feront. Il était lui aussi profondément internationaliste. Il se termina par le moment triomphal de la Libération, un moment de bonheur, mais aussi de douleur, après la disparition de bien des nôtres et le souvenir des exactions subies.

Après la guerre, fin des années quarante, avec la guerre froide qui pointait et le terrible danger de l’arme atomique, la conviction s’imposa qu’il fallait à nouveau lutter pour la paix.

En 1948, plusieurs organisations européennes réunies en Pologne, à Wroclaw, décidèrent de tenir le Congrès Mondial des Partisans de la Paix. Il eut lieu à Paris, salle Pleyel, du 20 au 25 avril 1949. Il était présidé par le grand savant communiste Frédéric Joliot-Curie, qui déclara : « si demain on nous demande de faire le travail de guerre, de faire la bombe atomique, nous répondrons non ». Parmi les invités, avec Pablo Neruda et Howard Fast et d’autres, se trouvait Paul Robeson, le chanteur noir américain persécuté dans son pays. Nous pouvons encore entendre sur Youtube ce qu’il chanta alors.

Ce premier congrès édifiait le comité permanent du congrès mondial des partisans de la paix, et appelait, sous la forme d’un manifeste, à « l’interdiction des armes atomiques », à « la limitation des forces armées des grandes puissances », et à « la lutte pour l’indépendance nationale ». À l’issue du Congrès eut lieu, toujours à Paris au stade Buffalo, un grand rassemblement public qui en réaffirmait les objectifs.

L’année suivante l’appel de Stockholm pour l’interdiction de l’arme atomique fut lancé. Frédéric Joliot-Curie en fut le premier signataire. Nous faisions signer l’appel de Stockholm partout en France, notamment dans les trains, et nous avons pu compter en sa faveur près de 15 millions de signatures.

Dès ce moment, les vietnamiens, sous la conduite d’Ho Chi Minh, combattaient pour leur indépendance. Ho Chi Minh qui, lui aussi, avait vécu en France et milité parmi nous. Le gouvernement et l’armée française, croyant qu’on ne pouvait leur résister, voulaient réduire à néant cette lutte anticolonialiste. Mais en France, l’opposition à l’intervention militaire commençait à se manifester. Il y eut le geste d’Henri Martin refusant d’aller se battre contre les vietnamiens ; celui de Raymonde Dien se jetant sur les rails à St-Pierre-des-Corps pour empêcher les trains d’acheminer les armes et les soldats. Il y eut des grèves de dockers contre le chargement des armes sur les bateaux.

Je me souviens de nos porte-à-porte des samedis après-midi, pendant nombre de mois, pour faire signer pour la paix au Viet-Nam, et des manifestations dans toute la France pour faire libérer Henri Martin, Je me souviens d’avoir hébergé secrètement chez moi pendant quelques semaines un étudiant vietnamien que l’on voulait renvoyer en Indochine pour y subir on ne sait quel sort.

Notre action contre la guerre du Viet-Nam lançait aussi, pour les communistes français, les prises de position courageuses et les actions de soutien aux luttes anticolonialistes, qui se développèrent dans les années 50 et 60, avec en tête et pour nous guider, la pensée, rappelée dès 1933 par Maurice Thorez : « Un peuple qui en opprime un autre ne saurait être un peuple libre. » Et il faut le dire, non par sectarisme, mais comme une vérité historique, cet engagement internationaliste fut, et reste, une originalité qui honore notre parti.

Ce fut le cas face à la guerre en Algérie. L’action du PCF pour la paix en Algérie exposa ses militants à une féroce répression, que symbolisent les noms d’Henri Alleg, de Maurice Audin ou celui du métro Charonne.

C’est notre parti qui impulsa la lutte pour la paix au Vietnam contre les Etats-Unis qui avaient pris le relai de la France pour tenter d’imposer leur domination. Nous avons multiplié les initiatives : manifestations, comme celle de 70 000 jeunes, organisée par la Jeunesse communiste en novembre 1967 ; collectes de solidarité. Et quand fut venue l’heure de la victoire retentissante du peuple vietnamien, quelle fierté ce fut d’héberger dans les locaux de l’école centrale du parti les négociateurs vietnamiens.

Plus tard, l’été 1968, nous fûmes particulièrement attentifs au printemps de Prague. Ce moment où les communistes tchécoslovaques voulaient mettre le socialisme en phase avec l’évolution de la société. Notre secrétaire général, Waldeck Rochet, s’employa avec une grande énergie, mais hélas vainement, à empêcher l’arrivée des troupes soviétiques et la normalisation qui s’ensuivit. Le 25 août 1968, la une de L’Humanité titrait : « Prague 1968. Le socialisme perd son visage humain. »

Dans les années 70, il y eut –hélas bien peu efficace- la dénonciation de l’ignoble prise de pouvoir de Pinochet au Chili et l’accueil de ceux, trop peu nombreux, qui avaient réussi à lui échapper.

En 1980, après avoir créé le Comité de défense des libertés et des droits de l’homme en France dans le monde, Georges Marchais, réclamait, au cours d’une conférence de presse à Genève, la libération de treize emprisonnés dans le monde. Parmi eux il y avait le mathématicien soviétique Anatole Chtcharanski, condamné en juillet 1978 à treize ans de prison après avoir demandé un visa de sortie d'Union soviétique, et le dramaturge tchèque Vaclav Havel, porte-parole de la Charte 77. Condamné à quatre ans et demi de prison en octobre 1979. Il devint, une fois libéré, après 1980, président de son pays.

Les communistes français peuvent aussi être fiers de leur contribution à un autre combat gagné : celui pour la libération de Nelson Mandela qui fit l’objet d’une grande campagne, à Paris et dans toute la France.

Notre combat n’a pas été moindre pour ceux que nous n’avons pas réussi à sauver bien que nous nous soyons désespérément battus pour eux : pour tenter d'empêcher l’exécution des époux Rozenberg aux Ètats-Unis en 1953 ; et pour obtenir la libération de Bobby Sands, membre du Sinn Find, mort en prison en Irlande en 1981. Mais il arrive aussi que l’histoire se retourne : Michelle O’Neill, vice-présidente du Sinn Fein, vient d’être élue officiellement première ministre d’Irlande du Nord.

Au-delà et à côté de ces événements, ponctuels ou d’une durée variable, il y a des soutiens de longue durée, dont certains se prolongent encore.

Je veux témoigner en particulier de notre soutien aux républicains espagnols. De la république à la mort de Franco cela dura quarante-quatre ans, marqués par toutes les formes de solidarité possibles.

Au tout début de la guerre d’Espagne, ce fut la dénonciation de la non-intervention déclarée par les gouvernements anglais et français. Ce qui entraîna de notre part une aide directe, avec l’envoi de bateaux. Ce fut la participation et le soutien aux Brigades internationales, dès ce moment résistantes aux nazis. Aides directes aussi : collectes de produits, accueil d’enfants pour les éloigner de la guerre, des passeurs faisant des allers et retours, souvent accueillis par des femmes, auxquelles notre gendarmerie s’attaquait parfois. En 1939, à contre-courant, ce fut le soutien à ceux de la Retirada, que le gouvernement français, qui avait déjà reconnu Franco, enferma sur des plages sales et glacées, gardées par la troupe.

J’ai déjà parlé de la présence des résistants espagnols auprès des résistants français. Mais ensuite, avec Franco, le fascisme persista en Espagne. Et dès que ce fut possible, en particulier après l’assassinat de Julian Grimau, les aides à ceux qui luttaient contre le franquisme : ouvriers, intellectuels, citoyens emprisonnés ou poursuivis devant les tribunaux, se mirent en place.

Le parti communiste français apporta alors son aide directe, importante et très organisée, par le moyen de nombreux passages : accompagnement de militants espagnols clandestins, aides diverses. Tue, et pour cause à l’époque, on l’oublie encore aujourd’hui. Notre camarade Jean Vila ancien député et maire près de Perpignan, qui, jeune, y participa avec son épouse, l’évoque dans son livre « Toute une vie en partage ». Armande Maillet-Camau, enseignante à Sète, n’osa en parler qu’en 2009 au cours d’une réunion et s’entendit dire à la fin par un des assistants « Alors, madame, c’est vous qui m’avez sauvé la vie. »

En même temps, nous organisions de larges rassemblements avec ceux qui voulaient aider les antifranquistes. C’est ainsi que le Comité Toulousain pour l’Espagne, que nous avions créé et dont j’ai été la présidente, a compté jusqu’à 24 organisations, s’exprimant par des meetings, des manifestations de rue, l’envoi d’avocats aux procès, des collectes et des doléances auprès du consul. Nous agissions aussi en relation avec le mouvement international.

Autre soutien de longue durée, concernant les États-Unis d’Amérique. D’abord le soutien aux victimes du mac carthysme. Et, tout au long, celui de ceux qui ont combattu, combattent encore, contre les diverses formes d’oppression, notamment vis-à-vis des Noirs.

Parmi les combats marquants, il y eut l’action pour la libération d’Angela  Davis. Communiste, militante pour les droits des Noirs, professeur d’université, renvoyée de son poste en raison de ses origines, elle fut en 1970 injustement accusée, emprisonnée, et détenue pendant seize mois avant d'être jugée. Un vaste mouvement de soutien aux États-Unis et dans le monde, marqué en France par une grande manifestation à l’initiative du parti et de la jeunesse communiste, contribua à sa libération.

D’autres luttes similaires, notamment anti-racistes, se déroulent encore aux Etats-Unis, comme per exemple aujourd’hui le BLM (Black Lives Matter en français : Les vies noires comptent). Nous leur procurons encore notre soutien, comme aussi pour Mumia Abu Jamal, emprisonné depuis 48 ans en Pennsylvanie pour un crime dont il est innocent.

Dans nos combats qui durent, il y a en permanence, depuis des année, le soutien à Cuba et à son peuple, étranglés par le blocus intolérable des Ètats-Unis.

Il y a aujourd’hui, plus que jamais, notre soutien au peuple palestinien dans une guerre qui prend de plus en plus l’allure d’un génocide. Un soutien parsemé des pires obstacles mais que nous ne sommes pas prêts à abandonner.

Enfin, une dimension majeure de notre internationalisme, c’est la lutte pour la paix et le désarmement. Alors que tant de conflits menacent la paix mondiale, alors que s’accumulent les armes de destruction massive, il faut alerter et mobiliser, construire un grand mouvement pacifiste pour la fin des guerres. De toutes les guerres. Pour, comme en 1949, exiger « l’interdiction des armes atomiques » et « la limitation des forces armées des grandes puissances ». Pour que la France signe enfin le traité d’interdiction totale et définitive des armes nucléaires.

L’espoir formulé par Missak Manouchian, dans sa dernière lettre « que tous les peuples vivent en paix et en fraternité après la guerre » reste à réaliser. Son entrée et celle de Mélinée au Panthéon, qui honore notre parti, ne peut que nous inciter à amplifier ce combat.

Missak Manouchian au Panthéon. L’hommage aux résistants étrangers (L’Indep)

le 21 février 2024

Missak Manouchian au Panthéon. L’hommage aux résistants étrangers (L’Indep)

L’Indépendant, le 21 février 2024