Accueil

Hommage à Jean-Bernard SAHUC

le 22 février 2016

Hommage à Jean-Bernard SAHUC

Chère Danielle

Chers amis et chers camarades,

Mesdames et Messieurs les élus

Mesdames et Messieurs

 

La disparition de Jean-Bernard Sahuc, membre de la direction départementale du Parti communiste, maire de Flaugnac jusqu’à ce que la maladie le contraigne, il y a quelques mois, à abandonner ses responsabilités, nous plonge dans une tristesse infinie. C’est une perte qui touche toute notre fédération. J’ai personnellement une peine immense. Il restait tellement de bons moments à passer ensemble.

Je veux d’abord retenir le courage et la lucidité avec laquelle Jean Bernard a affronté la maladie. Je savais depuis septembre 2013 que ce mal l’avait frappé. En effet, à cette époque là, nous avions en commun, avec nos épouses, le projet de visiter le Vietnam quand, à huit jours du départ, il m’apprit la terrible nouvelle.

Et un peu plus de deux ans après, nous savions que le combat qu’il menait face au cancer arrivait à son terme. Lui aussi, mais la dignité face à la mort, dont il avait fait un combat éthique, et son envie irrépressible de la vie l’ont tenues debout jusqu’au dernier moment.

Avec lui, disparaît un homme bien, un homme de conviction, ouvert sur le monde et la vie sociale.

Syndiqué à la CGT, dès qu’il entre dans la vie active après être passé par l’école EDF- GDF de Nantes en 1975, ensuite en résidence à Paris, jusqu’à Cahors en 1978 où il occupait un poste d’agent technique sur le réseau Gaz, il a sa vie durant dans ce département bienveillant et civilisé où il naquit et dans ce coin du Quercy blanc qu’il chérissait, là où était le berceau de sa famille, au Grillou, consacré son temps au travail, à sa famille, à l’action syndicale et au militantisme politique.

J’entendais hier un romancier franco marocain remarquable dire que les gens biens ne font pas de politique, en référence probablement à tous ceux qui trahissent leurs engagements, qui renoncent ou se renient. Jean Bernard aimait la politique, il était un homme bien.

Dans la discrétion peut-être, mais dans l’efficacité, sans arrogance mais avec conviction. Caractère entier, franc, il nommait les choses. Mais toujours avec une grande gentillesse et à l’écoute.

Proche du terrain, il a su donner de la hauteur aux valeurs qui fondaient son engagement. Il a été, près de 7 ans, président de la CMCAS d’EDF, poste à responsabilité que ses camarades qui connaissaient ses qualités lui confièrent. Cette fonction réclamait de l’écoute, de l’initiative, de l’engagement. Il n’en manquait pas, défendant avec ténacité les valeurs d’entr’aide et de solidarité bien mises à mal par les reculs successifs qu’ont imposés les gouvernements à cette belle maison fondée par Marcel Paul, ministre communiste à son retour de déportation. Avec Jean Bernard de belles avancées furent concrétisées.

Il a quitté EDF-GDF à la retraite et retrouvé un autre mandat tout aussi passionnant et prenant, celui d’élu territorial, dont il avait pendant 6 ans comme conseiller municipal goûté tout l’intérêt.

Désintéressé, honnête, il se mit au service de la collectivité et de ses concitoyens. Homme de caractère, franc, estimé et apprécié, à la tête d’une équipe pluraliste, il fut élu maire en 2007 avec la volonté de servir.

Le village dont il animait avec décision la vie publique, se modernisa rapidement pour offrir aujourd’hui un beau visage avec la rénovation du cœur d’un village riche en patrimoine mais également plein de vitalité avec le maintien de l’école publique dont il défendit bec et ongles l’existence.

Son attachement à la démocratie locale, au respect des engagements et à la défense des valeurs de gauche qu’il portait avec fierté lui valurent d’être réélu avec son équipe renouvelée en 2014.

Toujours en action, il publiait un bulletin municipal où il ne cachait pas ses convictions, sans ostentation, mais bataillant fermement contre les renoncements ministériels et les restrictions budgétaires qui bridaient son envie de faire mieux encore, avec l’idée me disait-il que l'information a pour nature et pour objet de faire participer l'individu à la vie sociale par la connaissance, afin de lui permettre d'y participer de manière plus lucide et plus consciente par l'action.

Et quand il lui devint difficile d’assumer pleinement son mandat du fait de la progression de la maladie, c’est avec cet esprit de responsabilité qu’il passa le témoin à un des ses conseillers, Gilbert Raynal, absent aujourd’hui parce qu’il se trouve à l’étranger.

Il était très attaché à son village, aux citoyens mais il l’était tout autant à son parti, le PCF dont il fut un adhérent fidèle et un dirigeant respecté au sein du conseil départemental où ses paroles, ses réflexions, ses propositions étaient toujours appréciées, pondérées et frappées au coin du bon sens. Il fut de toutes les manifestations pour la défense et la promotion des services publics, j’ai encore en mémoire, la grande manifestation de soutien à l’école rurale il y a un peu plus d’un an à Cahors où il marchait en tête d’un cortège d’un millier de personnes, ceint de l’écharpe tricolore. Il fut de tous les combats humanistes pour la paix et la liberté. En tous lieux, il avait à cœur de se battre pour la justice sociale, pour faire respecter les plus humbles.

Il a gardé jusqu’au bout, l’espoir d’un monde meilleur, Il appelait cela du beau nom de communisme, d’une nouvelle génération, car c’est cet idéal libérateur qu’il tenait et que nous tenons pour la grande idée neuve de notre temps : jamais encore elle n’a vraiment servi et nous persistons avec lui à nous en réclamer, nous voulons comme il le souhaitait réinventer une pensée et une action qui consistent à prendre le parti du bonheur et de la liberté. »

Sa vie fut aussi faite de plein de passions qui vont du sport, à la chasse, à l’escalade, au ski, avec une tendresse particulière pour le rugby jusqu’à diriger le COB, l’illustre club de rugby de Castelnau-Montratier dont il fut l’âme des années durant. Curieux, il aimait aller au cinéma, au théâtre et lire. Pas seulement L’Humanité le ,journal de Jaurès dont son cousin Stéphane est aujourd’hui, c’était aussi une autre fierté, rédacteur en chef de l’édition du week-end, mais également les livres. Sans oublier le bricolage qu’il pratiquait avec science et bonheur. Il n’est qu’à voir la maison familiale qu’il ne cessait d’aménager et d’embellir.

Au total il aura, aux côtés de Danièle, de ses filles Anaïs et Marion, de ses trois petits-enfants et de sa famille, vécu une vie pleine en choisissant “ un côté de la barricade ”, comme disait Elsa Triolet. Celui du peuple dont il était lui même issu, celui de ces hommes et de ces femmes qui n’ont d’autre choix que de se battre : pour faire valoir leurs droits, pour conquérir leur dignité, pour tout simplement une belle vie.

Je peux t’assurer très cher Jean-Bernard que nous continuerons à être les acteurs et actrices de cette émancipation humaine dont tu rêvais ! Ta mémoire nous accompagnera, tu seras de nos combats !

Nous continuerons ce que tu as voulu « L’amour de la justice et de la liberté, un fruit qui ne se gâte point car il a le goût du bonheur » disait Paul Eluard, le poète communiste.

J’adresse à Danièle son épouse, à sa mère, à ses filles Anaïs et Marion, à ses sœurs, à sa famille, de la part des camarades communistes toutes nos condoléances et toute notre affection.

Ibrahim Ali, du refus de l’oubli face aux trous de mémoire

le 21 février 2016

Ibrahim Ali, du refus de l’oubli face aux trous de mémoire

Requiem. Il y a 21 ans, le jeune rappeur comorien était abattu par des colleurs d’affiches du FN. Me Gilbert Collard stigmatisait alors les Le Pen et les Mégret.

Ibrahim Ali (1977-1995). Il est venu le temps d’expliquer au moins de vingt-ans que ce jeune Comorien de 17 ans a été « shooté » comme un lapin le 21 février 1995 pendant la campagne présidentielle par des colleurs d’affiches du FN au carrefour des Aygalades.

On commémore aujourd’hui le 21e anniversaire de ce drame qui a soulevé une onde de choc et pas qu’à Marseille. « On voulait juste rentrer chez nous et voilà ils étaient sur notre route », dira sobrement son ami Said Ahamada au procès de ce crime raciste. « Ils m’ont eu ! », s’était écroulé le garçon touché d’une balle perforante en plein dos. Ils l’ont eu une seconde fois en mars 2014 quand le FN a investi la Mairie d’arrondissements des 13-14 avec Stéphane Ravier qui, l’écharpe tricolore au plastron, a qualifié le trio criminel de « militants sincères » et taxé de « profanation » ceux qui rappelaient le passé. Cela donne un autre goût à la discrète plaque apposée bien longtemps après par les associations avec des mots qui claquent comme les coups de feu tirés : « Ici est mort Ibrahim Ali à l’âge de 17 ans, victime de l’intolé- rance et de la haine en sortant d’une répétition de théâtre et de musique, le 21 février 1995. »

Aujourd'hui à 13h, les citoyens qui répondront à l’appel du rassemblement au 4, chemin des Aygalades, 15e, auront tout cela à l’esprit. Ils trouveront réconfort en se souvenant des attendus civils de la cour d’assises des Bouches-du-Rhône déclarant que le « comportement criminel » des condamnés « a été conforté par l’idéologie sécuritaire, raciste et xénophobe à laquelle ils adhéraient ».

Quand Collard dénonçait le racisme des militants FN

Qu’il semble loin le temps où Gilbert Collard se félicitait de leur condamnation, lui l’avocat partie civile des amis d’Ibrahim Ali. Aujourd’hui il n’a d’yeux que pour Marine Le Pen. Il est d'ailleurs le Secrétaire général du Rassemblement bleu marine. Il faut réentendre ce même Gilbert Collard, devenu Député FN du Gard, lancer aux jurés de la cour d’assises : « On commence par appeler un Arabe un melon et ça finit par un coup de feu et la mort d ́un jeune Noir ! » « Nous voulons démontrer la responsabilité des leaders du FN dans le délire raciste et criminel de ses militants », lançait encore le ténor populiste qui a achevé sa mue complète pour l’extrême droite.

Qu’est devenu ce trio de « racistes ordinaires » qu’il pourfendait, les Robert Lagier, Mario d’Ambrosio et Pierre Giglio, qui déambulaient en pistolets 22 LR et 7.65mm ? Le tireur au Bersa automatique collé à la cheville, Robert Lagier, ancien chef de chantier qui se présentait à son procès en juin 1998 comme « le type même du Français moyen », est décédé en prison. Condamné à quinze ans de prison (pour vingt requis) pour homicide volontaire, tentatives d’homicides volontaires et violences avec armes, le pied-noir né à Alger en 1932, nostalgique de l’OAS, est mort le 25 juin 2001 rongé par son cancer des os.

Mario d’Ambrosio, le maçon, fils d’immigré italien, que la cour avait condamné à dix ans de réclusion, a été libéré en 2002. Les Mégret qui s’étaient déplacés aux assises pour soutenir ses combattants se feront fort de le recaser comme agent d’entretien à Vitrolles. Quant à Pierre Giglio, l’ébéniste dépressif sous cacheton, depuis vingt ans et dépeint comme un « pétochard », il avait écopé de deux ans pour port d’arme. C’est lui qui a dit que Lagier a tiré avec « ses deux mains réunies sur l’arme, à bout de bras, plusieurs coups de feu en direction du groupe de jeunes ».

Que reste-t-il de ce drame ? D’hommage officiel, point. La Mairie a juste renouvelé en 2001 pour cinq ans sa concession au cimetière Saint-Pierre. Les fidèles et les associatifs entretiennent la mémoire du jeune rappeur de la Savine membre de B.Vice, un groupe qui a continué sa route dans le hip-hop marseillais. « Ibrahim Ali ce n’est pas n’importe quel mort. Ce n'est pas un fait divers », nous disait son ami Soly il y a quinze ans quand il croyait encore possible un geste de reconnaissance officielle. Qui n’est jamais venu. Une pétition a été lancée sur la toile l’an dernier : « Nous voulons que le devoir de mémoire s’incarne dans un lieu emblématique du nouveau Marseille ou un équipement collectif qui puisse porter le nom d’Ibrahim Ali et honorer sa mémoire. » Elle n’a recueilli que 730 signatures. Loin des 20 à 30.000 personnes qui défilaient le 25 février 1995 sur La Canebière au cri de « non au racisme ».

David Coquillé (La Marseillaise, le 21 février 2016)

Hommage à Missak Manouchian. Discours de Jean-Marc Coppola

le 20 février 2016

Hommage à Missak Manouchian. Discours de Jean-Marc Coppola

C’est avec une certaine émotion que nous nous retrouvons, comme chaque année, devant la stèle de notre camarade Missak Manouchian pour lui rendre hommage.

Lors de cette manifestation et à travers lui, nous honorons les héros de la résistance FTP MOI, les 23 du groupe que le poète Louis Aragon immortalisera par l’Affiche Rouge.

Ces valeureux combattants de la LIBERTE, exécutés pour 22 d’entre eux le 21 février 1944, et décapitée le 10 mai suivant pour Olga Bancic.

Après une année 2015 terrible pour notre pays, pour les valeurs de notre République, pour les Droits de l’Homme, cette manifestation vise à entretenir la mémoire et à transmettre des idéaux.

Entretenir la mémoire c’est se rassembler autour de ce buste ici pour rappeler que Missak Manouchian a été élevé dans le souvenir des massacres arméniens, rescapé du génocide arménien, au cours duquel il perdit ses parents.

Entretenir la mémoire, c’est se rappeler l’engagement d’un homme profondément progressiste et humaniste, qui a combattu l’extrême droite en 1934, puis s’est engagé dans la résistance à l’occupant nazi avec courage et conviction jusqu’à donner sa vie.

Transmettre des idéaux, c’est combattre politiquement le révisionnisme, le négationnisme et l’obscurantisme de mouvements de nouveaux barbares qui soufflent sur notre République, les braises de la haine, du racisme, de l’islamophobie et de l’antisémitisme banalisés.

Des actes et des propos qui s’enchainent avec une légèreté déconcertante au pays des Lumières.

Transmettre des idéaux, c’est partager avec les jeunes générations l’idée que la liberté, l’égalité, la fraternité ne sont pas des valeurs acquises pour toujours, fragilisées qu’elles sont par les crises, les égoïsmes et une sorte d’amnésie collective.

Voilà pourquoi, rendre hommage à Missak Manouchian, mort pour la France…

…pour ses valeurs universelles, est pour nous un acte de reconnaissance et un exemple.

Ainsi pour moi, cet hommage est une invitation à toujours résister, à ne jamais renoncer, pour conquérir de nouveaux espaces de liberté, de démocratie, de citoyenneté et de paix

C’est pourquoi, loin d’un rituel, je remercie toutes celles et tous ceux qui participent régulièrement, et fidèlement à ce devoir de mémoire

Pour clore mon propos, par souci de clarté et de vérité, je regrette que la République – alors qu’elle en avait l’occasion en 2015, année du centenaire du génocide arménien - n’ait pas poussé la reconnaissance légitime de ces 23 héros, en transférant les cendres de Missak Manouchian sous la coupole du Panthéon.

Pour autant ne renonçons pas !

Fort de la résistance des 23, dont nous voulons être les modestes héritiers, que cette omission mémorielle nous pousse à poursuivre les démarches avec persévérance et dignité jusqu’à l’obtention.

Vous pouvez compter sur les communistes pour poursuivre cette transmission de la mémoire la résistance au présent et le transfert des cendres de Missak Manouchian au Panthéon.

Commémoration du 72ème anniversaire de l'exécution du groupe Manouchian. L'album photos

le 20 février 2016

Commémoration du 72ème anniversaire de l'exécution du groupe Manouchian. L'album photos

Missak Manouchian et les siens

Cérémonie devant la stèle du jardin du Pharo pour le 72e anniversaire de l’exécution des 22 résistants FTP- MOI de l’Affiche rouge, fusillés le 21 février 1944 au Mont Valérien. Marseille se souvient.

Les ami(e)s de l'Humanité d'Aubagne. "Une jeunesse parisienne en résistance"

le 20 février 2016

UNE JEUNESSE PARISIENNE EN RÉSISTANCE
Ce documentaire est le premier à aborder la jeunesse d'Henri Krasucki et de ses

camarades, leur entrée dans la résistance, leurs actions, leur arrestation et leur déportation.

A travers de nombreux témoignages et archives, dont certaines inédites, ce film témoigne de ces parcours exceptionnels et met en lumière la culture, le courage, l'intégrité et la force de ces jeunes gens. Portés par la volonté d'un monde meilleur, ils dirent non à la barbarie nazie et à la collaboration du gouvernement de Vichy.

Ce film s'inscrit dans une volonté de compréhension, de transmission. Il participe du travail de mémoire tout en réinterrogeant notre présent, faisant écho aux questions d'actualités telles que l'éducation, la culture, les lutes sociales, la montée de l'extrême-droite...

Henri Krasucki

Membre de la section juive de la MOI (Francs Tireurs et Partisans) pendant la guerre, déporté à Auschwitz et Buchenwald, est né en 1924 en Pologne. Le milieu familial ouvrier, communiste ,juif, dans lequel il grandit a favorisé un engagement politique précoce.

En 1987, une journaliste du Figaro-Magazine lui reproche d’être un « Français de fraîche date » qui, "naturalisé en 1947" se permet de critiquer la politique de la France. Il réplique en racontant l’histoire de son père. « Mes origines n’ont rien d’extraordinaires, » explique-t-il « il se trouve d’ailleurs qu’elles sont les mêmes que celles du cardinal archevêque de Paris [il s'agit de Jean-Marie Lustiger, comme lui d'origine juive polonaise]. Ses parents et les miens ont, à peu d’années d’intervalle, vécu la même histoire, bien qu’avec des idées différentes. Je ne peux m’empêcher d’observer que si, par hypothèse, les circonstances de la vie m’avaient fait archevêque, on évoquerait aujourd’hui mes origines avec tact, sans insinuation perfide. Et si je comptais parmi mes ancêtres quelques grands princes polonais, alors là... ».

Fiche technique

Avec Robert Endewelt (FTP-MOI), Raymond Kojitsky (FTP-MOI), Françoise Krasucki, Pierre Krasucki, Christian Langeois (biographe de H. Krasucki), Julien Lauprêtre (résistant), Henri Malberg, Paulette Sarcey (FTP-MOI), André Schmer (FTP-MOI), Serge Garde

Réalisé par Mourad Laffitte et Laurence Karsznia
Sortie 2015 - durée 90 min

Musique : Boris Pélosof - création pour le documentaire
Produit par
Images contemporaines - contact@images-contemporaines.com

 

Jacques Broda. « L’éthique, veille active »

le 19 février 2016

Jacques Broda. « L’éthique, veille active »

Le sociologue tient à partir du 27 février un cycle de conférences philosophiques avec le philosophe-résistant Jankélévitch et la républicaine espagnole Maria Zambrano en toile de fond.

La Maison de la Région, sur La Canebière, accueillera lors de quatre matinées (27 février, 5 et 12 mars et 2 avril) un séminaire philosophique autour de l’innocence, à l’initiative de Jacques Broda. Quand l’innocence et l’humilité réalisent l’éthique.

La Marseillaise. Selon vous, quel est le rôle de l’éthique dans nos sociétés ?

Jacques Broda. Je pense que la valeur essentielle du social, du politique et de l’éthique est la justice. Tout mon propos s’articule sur l’absolue nécessité d’une justice sociale, en dehors de laquelle rien n’est possible. Quand on pense une société plus juste ou moins injuste, on a déjà abdiqué l’idée d’une société juste. Pour les réfugiés les SDF, les pauvres, ce n’est pas une société plus juste qu’il faudrait mais la justice tout court. Une certaine intransigeance de la justice comme valeur supérieure me semble être le premier geste du politique et de l’éthique. La position éthique est une veille active. Être attentif à l’autre, à soi. C’est une volonté engagée du côté du bien.

La Marseillaise. « Le traité des vertus » de Jankélévitch se réfère au diable et à dieu. Cela ne revient-il pas à une vision manichéenne et davantage morale qu’éthique ?

Jacques Broda. Chacun de nous est pris dans des contradictions. J’essaie de trouver une articulation entre l’éthique et la morale. Pour moi la morale n’est pas un gros mot car son utilisation a été dévoyée. Ici intervient l’innocence comme pierre angulaire de l’éthique. Quand Jankélévitch parle du diable, ce n’est pas d’un point de vue religieux. C’est le mensonge, la perversion et la méchanceté. À l’adolescence, un gamin de 15 ans risque de perdre l’innocence de son enfance, il n’est pas suffisamment éclairé. Il est pris dans ses contradictions. Tout cela sur un fond de crise sociale inouï. On naît innocent, puis on le reste ou non à l’adolescence comme passage. Le dernier temps de l’innocence est la sagesse.

La Marseillaise. Par quels moyens garder cette innocence ?

Jacques Broda. Maria Zambrano dit : « Car seul l’homme est un mendiant. » C’est de la philosophie réelle. 2 milliards de personnes sur la terre n’ont rien. Le mendiant ne vole pas, ne tue pas. Il attend de l’autre. Le fait d’oser demander est un fait d’humanité. Zambrano dit que la demande du mendiant, du point de vue philosophique, c’est ce qui a permis à l’homme de penser. Que Jankélévitch et Zambrano soient demeurés innocents après les épreuves traversées est exceptionnel. Ils le sont restés par un travail philosophique pour ne pas être entamés par des forces mortifères. Cela re- vient à la question du racisme. Levinas dit aussi que le racisme est plus une expérience individuelle à dépasser. C’est là que j’introduis l’humilité qui est le second concept fondamental de l’éthique, avec l’innocence. La personne humble n’est pas touchée par le racisme. C’est le raciste qui est distordu et non celle qui en est victime. Il faut une capacité morale, éthique et politique pour ne pas se laisser toucher par ce venin. L’humilité est une digue contre la violence. C’est le ressort de la dignité. Du point de vue de Jankélévitch et de Zambrano, si il n’y avait pas eu avant la justice la question de la charité, il n’y aurait peut-être même pas l’idée de justice. La justice au niveau politique est le bras armé de la charité. Faire tout pour sauver l’autre.

Propos recueillis par Philippe Amsellem (La Marseillaise, le 19 février 2016)

Projet de livre sur Marseille. “Marseille, une mémoire populaire”

le 18 février 2016

Projet de livre sur Marseille. “Marseille, une mémoire populaire”

Marcel Thomazeau. Une vie sous le signe de la Résistance

le 17 février 2016

Marcel Thomazeau. Une vie sous le signe de la Résistance

Issu d’une famille modeste, il fut tour à tour un jeune apprenti rebelle, un résistant communiste déporté, l’assistant d’un ministre et un des dirigeants de « La Marseillaise ».

Bien qu'il se dise « sur la fin », en souriant, Marcel Thomazeau n'a rien perdu de sa vigueur. Lui qui n'a jamais voulu être mis en lumière et qui fut ouvrier, résistant, déporté, militant ou encore dirigeant de presse a, à bientôt 94 ans, un dernier combat. Depuis près de quinze ans, il raconte à plusieurs milliers de collégiens chaque année, sa résistance durant l'Occupation et l'enfer des camps, car « ces enfants ont leur avenir devant eux, ils ne doivent pas commettre les mêmes erreurs que nous », explique-t-il. « Quand on voit le contexte actuel, il y a beaucoup de ressemblance, notamment la peur des autres », précise-t-il. Et nul doute que devant le danger que représente la montée d’idéologies proches de celles qui l'ont envoyé à Mauthausen, son discours est des plus importants.

Né en 1922 de parents ouvriers agricoles dans une région nantaise qu'il qualifie lui-même de « pas très ouverte au progrès », Marcel Thomazeau est le deuxième d'une fratrie de dix enfants. Après avoir obtenu son certificat d'études en 1934 alors qu'il devait parcourir douze kilomètres à pied tous les jours pour aller à l'école, il est engagé dans une imprimerie comme tourneur de feuille puis il devient lithographe. Là, il fréquente ce qu'il nomme « l'aristocratie ouvrière », qui lui donne sa toute première éducation politique.

Solidarité avec la République espagnole

En novembre 1937, des grèves géantes paralysent la France et l'imprimerie dans laquelle Marcel travaille n'y échappe pas. Il prend alors part au mouvement, mais cela lui vaut d'être immédiatement licencié. En effet, à l'époque, la loi Astier interdit aux apprentis de faire grève, mais le jeune homme va quand même participer au mouvement. Les manifestations finies, il se fait engager sur les chantiers navals et rencontrent de nouveau des ouvriers qui le forment eux aussi à la politique. Syndiqué à la CGT, Marcel Thomazeau adhère en outre à la Jeunesse Ouvrière Chrétienne (JOC) « non parce que j’étais catholique, mais parce que dans ce pays de con, le seul moyen d’aller faire du sport ou assister à des conférences, était d’entrer à la JOC », reconnaît-il.

En 1936, la guerre civile éclate en Espagne et des républicains qui ont fuit le franquisme arrive dans la région nantaise. « J’ai été ouvert à mes premières batailles politiques sur la guerre d’Espagne », poursuit-il ensuite avant d’expliquer que lorsque l’Église s’est rangée du côté du Général Franco, il a quitté a JOC et rejoint des socialistes et des communistes qui, ensemble, ont fondé le comité d’aide à l’Espagne républicaine en 1938.

« Quand est ensuite arrivée la seconde guerre mondiale, en septembre 1939, je n’avais pas encore 17 ans », raconte Marcel. Après un bref séjour à Toulouse, il revient à Nantes et se fait embaucher avec des amis communistes par l’entreprise allemande Henkel. Le patron –un ancien communiste– pointera pour eux afin qu’ils touchent leur salaire sans toutefois se rendre au travail. « Nous avons pu fonder le premier groupe de Résistance de la région et l’ironie du sort était que nous étions ainsi financés par les Allemands. Autre avantage de cette entreprise, nous avions des ausweise (laissez-passer) pour accéder à l’aéroport de Nantes ce qui fut très pratique lorsque nous avons commencé des actes de sabotage », relate l’ancien résistant. Bientôt les membres de son groupe se procurent des pistolets et de la dynamite, puis se sont formés au maniement des armes par des jeunes espagnols qui avaient fui le franquisme quelques années auparavant. « Nous avons fait sauter à plusieurs reprises des lignes électriques et des ponts par exemple en même temps que d’autres actes de sabotage », narre-t-il. Plusieurs membres du groupe vont ensuite assassiner le plus haut gradé nazi de la région, le colonel Hotz mais si cette action marque un grand coup pour la Résistance, elle va entraîner l’exécution immédiate de cinquante otages et une accentuation de la pression des autorités allemandes. La Gestapo arrête en juillet 1942 une centaine de membres du réseau de résistants communistes. « Cinquante-cinq ont été condamnés à mort immédiatement, dont mon frère. Moi, j’ai été condamné à 7 ans de travaux forcés d’abord en prison, puis au bagne de Fontevraud avant ensuite d’être déporté à Blois, où j’ai partagé la cellule de Marcel Paul », qui sera appelé à assumer de hautes fonctions à la Libération.

34 kilos et la tuberculose en sortant du camp

« Nous sommes devenu ami et je travaillais avec lui en écrivant ou en portant des documents qu’il me confiait », témoigne Marcel Thomazeau. « Je ne resterai que quelques mois à Blois avant d’être envoyé au camp de concentration de Compiègne avant d’être déporté définitivement à Mauthausen puis à Gusen II jusqu’en mai 1945 dans des conditions aussi effroyables qu’inhumaines », indique-t-il avec émotion. « À La libération du camp en juillet 1945, je ne pesais plus que 34 kilos et j’avais une tuberculose pulmonaire. Les autorités ne m’ont pas autorisé à rentrer en France par crainte d’une crise sanitaire, j’ai alors été envoyé me faire soigner dans un sanatorium dans la Forêt Noire en Allemagne », précise l’homme de 93 ans. Le 2 janvier 1946, Marcel Thomazeau arrive enfin à Paris où il est accueilli par son ami Marcel Paul, devenu Ministre de la Production industrielle.

Le communiste va l’héberger puis en faire son secrétaire particulier l’obligeant ainsi à effectuer des déplacements chaque semaine à Limoges afin de recueillir les doléances des citoyens de Haute-Vienne, sa terre d’élection, pour les faire remonter à Paris. Lorsque les Ministres communistes sont chassés du gouvernement en décembre 1946, le PCF propose à Marcel Thomazeau de devenir Député à l’occasion des législatives qui suivent, mais il refuse ne se sentant pas une âme d’élu. Il est alors propulsé directeur du journal "Le Travailleur du Limousin" en 1947, puis un an plus tard, il devient dirigeant de l’"Écho du centre". Il y restera douze années. Désireux de quitter la région, Marcel Thomazeau prend la direction du journal "Liberté" à Lille, en 1960. Mais, ne supportant plus « le climat humide du Nord », Marcel demande à son parti de pouvoir poursuivre son engagement à Marseille. C’est chose faite en 1965 lorsque qu’il entre à la direction de "La Marseillaise". Il y poursuivra sa vie professionnelle jusqu’en 1984 à l’âge de 62 ans où il prend sa retraite.

Au début des années 2000, Marcel Thomazeau assiste par hasard à une rencontre durant laquelle un ancien déporté raconte son calvaire à des collégiens participant au Concours national de la Résistance et de la Déportation. C’est une révélation et lui, l’ancien Résistant et déporté à Mauthasen, décide de faire de même en allant parler aux nouvelles générations « pour que jamais personne n’oublie ». Aujourd’hui à bientôt 94 ans et après une vie aussi riche qu’historique, Marcel Thomazeau n’est pas décidé à se laisser aller. Il rencontre chaque année des milliers d’enfants pour ce qui est finalement le combat de sa vie : la lutte contre le fascisme et le totalitarisme.

Alan Bernigaud (La Marseillaise, le 17 février 2016)

Rassemblement à la mémoire d'Ibrahim Ali

le 16 février 2016

Au 4, chemins des Aygalades
13015 - Marseille

Dimanche 21 février à 13h

Ses proches, ses amis, des partisans du vivre ensemble, des militants antiracistes et anti-fascites, des citoyens ordinaires… invitent à participer au 21e rassemblement citoyen et apolitique à la mémoire d'Ibrahim Ali Abdalla. Le 21 février 1995 Ibrahim Ali est assassiné par un colleur d'affiches du Front national. Ce soir-là vers 23h, il court avec les membres du groupe B.Vice dans la rue Lechatelier, pour attraper le dernier bus. De retour de leur répétition, peu avant le carrefour des Aygalades, les jeunes croisent des colleurs d'affiches qui décident de les poursuivre en voiture. Ils descendent de leur voiture et commencent à tirer dans la tas. Ibrahim sera atteint d'une balle perforante dans le dos.

Bourses du travail. Des foyers d’éducation populaire

le 14 février 2016

Bourses du travail. Des foyers d’éducation populaire

Social. A la fin du XIXe siècle, les bourses du travail voient le jour. Lieu d'échange entre l'offre et la demande de travail, elles vont également devenir celui de toutes les solidarités.

Les syndicats, qui ne sont pas encore unifiés, demandaient aux municipalités que des locaux soient mis à leur disposition pour pouvoir se réunir. A partir de 1887(1), des bourses du travail vont être créées dans la majorité des villes de France. Elles sont nées d’un besoin de solidarité locale et de la volonté d’agir sur le travail. Ce sont des établissements où l’on peut discuter des contrats de travail et où des ouvriers de métiers différents peuvent se réunir.

Le but des bourses du travail est d’apporter une aide efficace aux travailleurs, dans les conditions très difficiles de la fin du XIXe siècle. Elles résultent d’un projet visant à peser sur les salaires en créant un lieu de rencontre entre l’offre et la demande du travail, en empêchant les employeurs de fixer unilatéralement les salaires.

Le nom de bourses du travail a été donné parce que ces locaux sont des bourses de l’emploi, des bureaux de placement. Et les placements effectués sont nombreux. La bourse de Marseille effectue pour l’année 1899, 9.236 placements « à demeure » et 10.734 « en extra » ; en 1906, 7.388 et 25.493.

Pour la période 1902-1913, ont été placés, à Marseille, 9.457 boulangers, 5.550 limonadiers, 4.885 coiffeurs, 4.473 confiseurs-pâtissiers, 2.937 garçons de café et de restaurant, 2.411 liquoristes, 2.136 menuisiers, 2.038 musiciens, 1.653 bouchers et charcutiers… Pour d’autres professions, « les opérations ont été beaucoup moins actives », il s’agit des forgerons, bourreliers, selliers, layetiers, relieurs, scieurs de long, tonneliers…

Des missions d'enseignement et de formation

Les bourses du travail se sont également donné un but de formation et d’enseignement. Des formations gratuites sont assurées par les syndiqués eux-mêmes : enseignement général, professionnel et pratique.

« La Bourse [de Marseille] a ouvert, dans le courant de l’année 1893, des cours techniques pour un certain nombre de professions : charpentiers de haute futaie, menuisiers, ajusteurs-mécaniciens, tapissiers en meubles, coupeurs cordonniers. Le développement pris par les cours professionnels nécessita bientôt l’aménagement d’un nouveau local. En 1895, ces cours s’étendaient à 12 sections différentes (menuiserie et ébénisterie, métallurgie, stéréotomie, coupe de cordonnerie, coupe de taille d’habits, charpente, carrosserie, coiffure, imprimerie et lithographie) et étaient suivis par 400 auditeurs. En 1913, l’enseignement se donnait à l’annexe de de la Bourse du Travail, 25, rue Montaux, et comprenait : 1° – Cours généraux, électricité industrielle, galvano-plastie, dessins industriels, mathématiques, architecture, théorie, construction, stéréotomie, coupe de pierres, physique et chimie industrielles, coupe et assemblage pour dames ; dessin d’ornementation, peinture, céramique, enseignement du français ; 2° – 40 cours professionnels théoriques et pratiques, organisés par les syndicats »(2).

La Bourse du travail de Marseille est ouverte, en 1888, à la rue de l’Académie, à côté du marché des Capucins. Elle est rapidement trop petite pour accueillir toutes ses activités. « Son extension a été telle, que le Conseil municipal s’est vu dans l’obligation de faire construire plusieurs salles nouvelles pour agrandir le local primitif qui lui avait été assigné au marché des Capucins »(2). Puis, la construction d’une seconde bourse est décidée en 1929, elle sera inaugurée en 1936, à l’actuel boulevard Charles Nédelec.

Outre les fonctions de placement, les cours d’enseignement général et professionnel, les bourses du travail deviennent des foyers d’éducation populaire. On peut suivre des cours du soir, des conférences sont données sur des sujets d’histoire, de science, d’économie… et, en cette fin de XIXe siècle, des militantes féministes viennent parler de l’égalité des droits et de l’émancipation féminine.

Certaines bourses ont des ateliers de théâtre, de chant et de dessin artistique. Toutes possèdent une bibliothèque riche de plusieurs centaines d’ouvrages touchant tous les domaines. Outre l’aspect culturel, des activités de loisirs existent : fêtes, concerts…

La défense de leur indépendance

L’aspect syndical n’est pas oublié. « La Bourse du Travail s’est donné pour tâche de resserrer par des statuts communs le faisceau des syndicats fédérés d’une même ville, et d’assurer ainsi la prédominance des intérêts généraux de la classe ouvrière sur les intérêts particuliers de chaque syndicat. Les Bourses du Travail ont été, de la sorte, amenées à jouer un rôle militant, dont il est aisé de suivre la trace dans les conflits qui se sont élevés entre employeurs et salariés »(2).

A Marseille, le nombre de syndicats est passé de 48 en 1889 à 81 en 1911 et les adhérents sont passés de 5.911 à 18.488.

Les bourses du travail vont tâcher de préserver leur indépendance, tout en devant « pallier les carences de l’État en développant des services en direction des seuls salariés : des bibliothèques, des aides au placement des syndiqués, des aides aux chômeurs, des programmes d’enseignement général et professionnel. Cependant, animé par cette farouche volonté de ne pas se transformer en substitut de l’État, le mouvement syndical n’aura de cesse de se battre pour que les pouvoirs publics assument leurs responsabilités en matière de service public. Le mouvement syndical naissant a refusé d’abandonner la fonction de défense des salariés pour assumer une mission subventionnée de service public »(3).

Raymond Bizot (La Marseillaise, le 14 février 2016)

(1) La Marseillaise, en date du 07/02/2016
(2) Encyclopédie départementale des Bouches-du-Rhône, tome 10, 1923
(3) J. Sohier, Le syndicalisme en France, 2010